… je n’ai pas défilé …

Une bonne partie de ma famille, des amis, beaucoup de gens que j’estime ont manifesté contre le mariage pour tous ; j’ai hésité, je n’y suis pas allé.

Pourquoi ?

Le mariage civil n’est pas l’institution que l’on croit

La société n’est plus fondée sur lui : parmi les couples de jeunes, le PACS est aussi répandu que le mariage et près de 40% des unions se terminent par un divorce.

Le couple marié n’est plus le seul endroit où élever des enfants : ¼ des enfants de moins de 25 ans ne vivent pas dans une famille dont le couple est marié et 30% ne vivent pas chez leurs deux parents (INSEE). Chez les plus jeunes, la proportion est supérieure.

Le mariage s’est effacé à mesure que le divorce était facilité.

Le sens qui lui est donné par la société a changé : c’était l’autorisation donnée à un couple de jeunes de vivre ensemble (et l’obligation de le faire) et la fondation d’une famille. Le premier terme n’est pratiquement plus respecté et l’arrivée des enfants précède souvent le mariage.

Le mariage civil n’est plus que la célébration publique d’un amour. Cela prépare une société différente de celle qui prévalait jusque dans les années cinquante ; on peut le regretter mais la loi qui ouvre le mariage aux homosexuels n’y change rien.

La discrimination des homosexuels n’est pas tolérable

Il ne s’agit pas d’autoriser le mariage civil aux homosexuels, il s’agit d’arrêter de l’interdire. Ce n’est pas exactement la même chose.

Ils étaient des criminels, sont devenus délinquants puis malades et enfin simplement homosexuels ; ils sont hommes ou femmes et, pour les chrétiens, créés à l’image de Dieu.

Cela étant dit, leur espoir d’être reconnus à travers la revendication du mariage est une illusion : si on pouvait obtenir par la loi le respect de la différence, cela se saurait.

Les enfants

Faut-il ouvrir l’adoption aux couples homosexuels ?

Pourquoi les homosexuels seraient-ils moins bons éducateurs ?

Certes, tous les rôles d’éducateurs (père et mère) doivent être tenus, mais ne rêvons pas le monde : les 30% d’enfants qui ne vivent pas chez leurs 2 parents bénéficient de façon très imparfaite de l’éducation de chacun d’entre eux … et ça concerne des millions d’enfants, pas quelques milliers … sans parler des parents qui, en couple hétérosexuel, ne jouent pas leur rôle.

Quant à la connaissance de l’identité du père, le problème se pose à tous les enfants adoptés.

PMA et GPA

Reste la question du « droit à l’enfant » par opposition au « droit de l’enfant ».

Lorsque, par la contraception, la femme est devenue maîtresse (seule ou en couple, selon le choix) de donner la vie quand elle le veut, on a changé de paradigme : l’enfant accède à la vie par une décision et plus par hasard.

De plus, en cas de difficulté, les couples sont aidés par la médecine ; nous sommes depuis longtemps dans le « droit à l’enfant ». Faut-il l’interdire aux homosexuels ? Si oui, pourquoi ?

Pour ce qui est de la GPA, c’est un autre débat (peut-on fait commerce de son corps ?) et il n’est heureusement pas ouvert en France ; ce serait d’ailleurs un paradoxe alors qu’on veut interdire la prostitution.

NB : Mariage et promesse de vie commune

Qu’on me comprenne bien : si le mariage a le plus souvent perdu son sel, cela n’enlève rien à la valeur du choix des couples qui se font – par un mariage, religieux ou civil – une promesse à vie de vivre dans la liberté l’indissolubilité, la fidélité et la fécondité (laquelle ne se résume pas à l’accueil des enfants).

Il est aussi évident que lorsque l’on réussit à jardiner son couple dans la durée, c’est plus riche – matériellement, intellectuellement et spirituellement – et tellement plus simple … mais on sait bien que ce n’est pas toujours possible.

Enfin, pour l’Église Catholique, Jean Paul II a ouvert une porte dans la théologie traditionnelle du mariage en affirmant que l’amour du couple (y compris les gestes sexuels qu’il implique) est prophétique puisqu’il qu’il rend compte, malgré ses limites, de la réalité de l’Amour et donc de Dieu … d’autres portes s’ouvriront …

Conclusion

La société, à force de « softitude » (… merci Ségolène …) a démonétisé le mot mariage depuis longtemps et le couple marié n’est plus la structure de base de la société ; lever l’interdit pour les homosexuels n’y changera rien.

  Je n’ai pas défilé.

Daniel Gendrin

6 commentaires sur “… je n’ai pas défilé …

  1. Je ne pense pas qu’on puisse dire que le mariage ait perdu son sens. C’est d’ailleurs parce que ce mot est plein de sens que les homosexuels se battent pour y avoir droit alors qu’ils peuvent déjà se pacser, et c’est pour la même raison que beaucoup sont descendus dans la rue pour s’y opposer.
    La question est donc de savoir si on veut laisser les homosexuels s’approprier cette institution au même titre que les autres citoyens (et au même titre que les autres enfants de Dieu). Ma réponse est oui, justement parce que le mariage a tellement de sens qu’il fait partie de la définition qu’on se fait de soi-même, et qu’en priver certains au nom de leur orientation sexuelle revient à laisser perdurer un système de castes dans notre société.
    Le lien avec la parentalité est évident, dire que ce sont des sujets différent est de la démagogie (ou du calcul politique).

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  2. Je suis assez d’accord avec toi concernant le mariage pour tous: Il n’y a pas de raisons d’en priver les homosexuels.
    Concernant l’adoption ou la PMA, la GPA et le droit de l’enfant, j’aurais aimé ajouter qu’il me semble important que l’enfant est droit à son origine biologique et même « gestationnaire » enfin tout le trajet qui va de la conception à la vie dans une famille « éducative ». Les gamètes ou l’embryon ne sont pas un « matériel » médical comme un autre. Ils sont porteurs d’une hérédité qui ne doit pas être cachée à l’enfant, une manière de ne pas dissocier complètement le biologique de l’éducatif. Je sais que d’appliquer cela ne sera pas sans problème : tous les géniteurs ne sont peut-être pas prêt à dévoiler leur identité. Cela devra être entouré de règles éthiques et juridictionnelles (le parent génétique n’étant pas responsable de l’enfant et n’ayant aucun droit sur lui) et il pourra être intéressant que le parent biologique donne les motivations de son don (de gamètes, d’embryon, d’enfant). Mais je crois que c’est à ce prix que l’on peut construire des êtres équilibrés.

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  3. j’ajoute ce commentaire qui n’est pas de moi . c’est une réponse de CM à mon article sur le sujet ; elle m’a été envoyée par mail
    c’est un argumentaire que je ne reprends pas à mon compte mais qui peut aider chacun à se faire une opinion
    c’est un peu plus long que ne le prévoit la règle de ce blog, mais mérite d’être lu

    Daniel

    ——————————–

    « Le mariage civil n’est pas l’institution que l’on croit »

    « Le mariage civil n’est plus que la célébration publique d’un amour. »

    Oui, entièrement d’accord avec toi là-dessus, la perception du mariage a énormément évolué ces dernières années. Aujourd’hui, beaucoup de gens considèrent le mariage comme une sorte de « service public » : une jolie cérémonie, le discours du maire, les signatures sur le registre…

    Sauf que cette vision, même largement majoritaire, est erronée car le mariage entraîne des effets juridiques importants. Ceux-ci ont été en grande partie conçus pour organiser la filiation. Aujourd’hui, en droit français, mariage et filiation sont totalement liés. C’est d’ailleurs à ce titre que la gauche refuse une union civile, proposée par l’opposition à l’Assemblée et au Sénat. Une union civile aurait l’avantage, pour les opposants à la loi, d’organiser une reconnaissance publique et une meilleure gestion du patrimoine pour les couples homosexuels, en excluant toute filiation. Mme Taubira et tous les tenants du mariage pour tous (MPT) sont clairs : c’est bien union + filiation qu’ils veulent.

    « La discrimination des homosexuels n’est pas tolérable »

    Non, bien sûr, on est d’accord là-dessus, mais pour moi, le meilleur moyen d’éviter toute discrimination, c’est que l’Etat ne se mêle en rien de ce qui nous est intime, notamment de notre sexualité. Sur ce coup-là, je ne sens pas le gouvernement actuel très au clair, avec notamment la volonté de Peillon de faire des cours de sexualité incluant la théorie du gender dès le CP… Mais ce n’est pas le sujet.

    « Il ne s’agit pas d’autoriser le mariage civil aux homosexuels, il s’agit d’arrêter de l’interdire. »
    En complet désaccord avec toi là-dessus. Les homos ne sont pas exclus du mariage. De fait, ils peuvent se marier et l’ont fait de tout temps. La loi prévoit des restrictions pour pouvoir contracter un mariage et nous sommes tous à égalité là-dessus (être majeur, célibataire, pas d’inceste, épouser quelqu’un du sexe opposé etc…). Comme le mariage fonde la famille et a longtemps été indissoluble, la question d’un mariage homo ne s’est jamais posée avant 2 changements majeurs : les familles recomposées généralisées et les techniques de procréation. Y voir une interdiction du mariage pour les homos par les hétéros est un anachronisme complet.

    (Par exemple : Année 2072 : après une généralisation massive de la GPA, les femmes voulant assurer leur carrière et ne pas subir les inconvénients de la grossesse, une association de défense des droits des papas réclame aujourd’hui le droit au congé maternité. Leur porte-parole déclare : « c’est une injustice : la loi a toujours refusé d’envisagé la possibilité que le congé autour de la grossesse soit pris par l’homme. Aujourd’hui, certains couples revendiquent l’égalité des droits et veulent que les papas puissent bénéficier du congé maternité quand ce n’est pas la maman qui porte le bébé. C’est de la discrimination pure et simple»)

    Maintenant, bien sûr, il ne faut pas non plus être hypocrite et il faut accepter de reconnaître que le mariage n’est pas adapté aux personnes homosexuelles et à leurs souhaits à notre époque. On retombe bien sur la question : union ou mariage ? couple ou famille ?

    « Les enfants
    Faut-il ouvrir l’adoption aux couples homosexuels ?
    Pourquoi les homosexuels seraient-ils moins bons éducateurs ? »

    En fait, il y a plusieurs questions derrières ces deux questions.

    Certaines, heureusement, sont plus faciles à résoudre que d’autres !

    Une personne homosexuelle est-elle un moins bon éducateur qu’un hétéro ?
    Là, c’est facile, je ne vois pas bien en quoi la sexualité d’un adulte (que ce soit l’échangisme, le fétichisme, l’abstinence…) pourrait le disqualifier dans son rôle de parent ou d’éducateur.

    Un couple homosexuel est-il moins adapté au développement de l’enfant ?
    Là, c’est infiniment plus complexe.
    Rappelons que de nombreux enfants ont été ou sont élevés par des personnes de même sexe, sans qu’on les retrouve forcément des années plus tard drogués et en prison…
    Rappelons aussi que le 20ème siècle a mis en évidence l’importance de la construction psychique de l’enfant dès le plus jeune âge, construction qui tourne beaucoup quand même autour des concepts liés à l’identité sexuelle et à la sexualité. On a du mal à envisager un complexe d’Œdipe réussi pour une petite fille dans une famille de lesbienne (mais on peut relire le paragraphe précédent et tourner en rond !).
    Il me semble que cette question ne peut être tranchée tant elle est complexe. Les études actuellement disponibles sont peu intéressantes d’un point de vue scientifique car soit elles sont biaisées, soit elles démontrent des évidences (du genre, mieux vaut être élevé par deux lesbiennes blanches cadres sup à New York, que par deux mexicains hétéros sans papiers travaillant pour des cartels de la drogue. Sans blague…)
    Enfin, l’argument du « y’a plein de couples hétéro pourris, donc les homos aussi peuvent avoir des enfants » me met toujours mal à l’aise : c’est reconnaître implicitement que les homos ne forment pas des couples « biens », comme si la violence conjugale et l’homosexualité étaient du même acabit…
    Je laisse donc cette question en suspens (principe de précaution !) mais je pense que les réponses aux questions suivantes diront comment je me positionne personnellement par rapport à l’adoption par des personnes de même sexe.

    De quelle adoption parle-t-on ?
    – Premier cas de figure, le plus fréquent actuellement : M et Mme X ont un enfant, Jules, puis se séparent. Mme X obtient la garde « majoritaire » de Jules puis se remet en couple avec Mme Y. Elles vivent de nombreuses années ensemble et Mme Y s’investit beaucoup auprès de Jules (sortie d’école, devoirs, suivi des activités extrascolaires). Mme Y doit-elle/peut-elle adopter Jules ?
    Ce cas-là est réel mais à mon avis, le MPT ne l’aborde pas du tout sous le bon angle. En effet, Mme Y pourrait aussi bien être M. Z, le problème serait le même. Donc, égalité stricte homo/hétéro sur ce plan, et solutions à trouver pour tout le monde et pas seulement pour les homos. Par ailleurs, il ne peut y avoir adoption que si M. X décède ou est déchu de ses droits parentaux, ce qui est extrême. A tout le moins, il devra donner son accord pour une adoption simple (par opposition à adoption plénière), mais il ne faut pas compter dessus, cela ne se produit pas ou presque, ce qui est somme toute, assez normal.
    Et pourtant, Jules a développé une relation forte avec Mme Y (ou M. Z, d’ailleurs) et cette relation doit pouvoir être protégée juridiquement. Que fait-on ? Au lieu de parler d’adoption, ne pourrait-on revoir en profondeur notre conception des liens adultes-enfants, avec comme but, non pas le désir des adultes (mêmes très légitimes) mais bien l’intérêt de l’enfant ? Doit-on le forcer à choisir entre la nouvelle compagne de Maman et son papa ou bien serons-nous en mesure d’assurer son bien-être en faisant une croix, parfois, sur nos intérêts d’adultes ? Certes, je comprends très bien que Mme Y veuille être reconnue comme mère de Jules, mais ce ne sera que très rarement l’intérêt réel de Jules. J’ajoute enfin que la sexualité de Mme X n’a en fait aucune importance du point de vue de Jules : elle peut être partie vivre avec Jules chez sa mère, sa copine, sa sœur, son parrain, un ami que sais-je… Toutes ces personnes sont susceptibles de développer une relation fondamentale avec Jules et la loi doit le protéger lui, Jules.

    Nous aurons prochainement une réflexion autour de la loi sur la famille. J’espère de tout mon cœur que des solutions appropriées seront trouvées, avec comme unique but l’intérêt de l’enfant, parce que c’est lui le plus faible, dans l’histoire. Et aussi parce que ça permet de ne pas discriminer les adultes, tant qu’à faire…

    – Deuxième cas de figure, Mme X et Mme Y sont en couple depuis 3 ans et veulent faire un enfant. Impossible aujourd’hui sans se procurer du sperme. Donc elles le font, de manière artisanale ou bien en passant par la PMA (à l’étranger, car en France, c’est interdit).
    Il s’agit, en somme, de « produire » un enfant en se passant du père. Sauf qu’on ne peut pas s’en passer vraiment. Complexe.
    On est là dans une situation radicalement différente de la première et cela me paraît évident que la loi ne peut approcher ces deux réalités de la même manière.

    « Quant à la connaissance de l’identité du père, le problème se pose à tous les enfants adoptés. »
    J’espère que tu comprends que, de mon point de vue, il y a « adoption d’un enfant qui est déjà né » et « adoption d’un enfant que je vais fabriquer ». Ce n’est pas pareil. Même s’il est évident que la première situation n’est pas une sinécure, et qu’elle engendre des souffrances, la deuxième est vraiment, vraiment … spéciale…
    Pour faire une comparaison, prenons le travail des enfants dans une usine de textile du Bengladesh.
    – Des parents envoient leurs enfants travailler dans des conditions souvent indignes pour un salaire de misère.
    – Une grande firme chinoise décide de cloner de petits Bengali parce qu’ils travaillent bien et pas cher et que ça permet de s’en mettre plein les poches.
    Dans les 2 cas, il se passe exactement la même chose (des enfants qui travaillent pour un salaire de misère). Mais dans un cas, on gère une dure réalité, dans l’autre, on la déforme intentionnellement. Moralement, c’est totalement différent.

    « PMA et GPA
    Reste la question du « droit à l’enfant » par opposition au « droit de l’enfant ».
    Lorsque, par la contraception, la femme est devenue maîtresse (seule ou en couple, selon le choix) de donner la vie quand elle le veut, on a changé de paradigme : l’enfant accède à la vie par une décision et plus par hasard. »

    Ce serait tellement bien si c’était vraiment le cas, mais non, la réalité nous rattrape : 220 000 avortements par an en France (donc a priori, beaucoup de grossesses qui arrivent quand même un peu par hasard), et des milliers de couple qui consultent pour avoir des enfants : sont-ils moins décidés que les autres ?
    Notre perception (contraception, puis avortement, puis PMA) est effectivement que l’enfant naît d’une décision (au point que certains hommes, aujourd’hui, cherchent à obtenir l’équivalent d’un droit à l’avortement qui leur permettrait de se désengager vis-à-vis d’un fœtus que la mère souhaiterait garder). Mais ce n’est pas la réalité. L’enfant est ou n’est pas. Son existence ne dépend pas de la volonté des adultes. (une femme violée qui tombe enceinte est-elle secrètement bien décidée à avoir un enfant de son violeur ?).
    Le seul fait objectif est le suivant : tout enfant est né de la réunion d’un ovule et d’un spermatozoïde (le plus souvent donc, d’une relation sexuelle). Le reste, c’est trop souvent du wishful thinking comme disent les anglo-saxons (on prend nos rêves pour la réalité).

    D’ailleurs, cette notion de « parentalité intentionnelle » me fait profondément horreur : quel parent n’a jamais voulu jeter son enfant par la fenêtre ? L’abandonner, oh, juste un tout petit peu, 2-3 jours, le temps de dormir un peu… On est père ou mère, on ne peut pas le reprendre, cela ne nous appartient pas. Cela n’est pas du domaine de nos désirs. Domaine qui est d’ailleurs, totalement investi par le marché libéral mondial, d’où mon horreur devant ces termes. Par pitié, évacuons les notions d’intention, de désir et autres quand on parle de parentalité, car à chaque désir (demande) correspond une satisfaction (offre) et que le but est de « diversifier l’offre pour répondre à la demande », autrement dit, de créer volontairement et artificiellement des désirs changeants pour s’en mettre plein les poches.

    « De plus, en cas de difficulté, les couples sont aidés par la médecine ; nous sommes depuis longtemps dans le « droit à l’enfant ». »
    C’est vrai dans notre perception mais c’est faux dans les faits : l’immense majorité des couples hétéros n’aura jamais accès à la PMA (en France, puisque c’est ce dont on parle). Pour accéder à la PMA, il faut être en couple stable depuis 2 (ou 3 ?) ans, il faut que la femme aie moins de 42 (45 ?) ans. Les donneurs, quand il y en a (seulement 3% des cas) sont anonymes et non rémunérés. Enfin et surtout, il faut remplir une condition médicale : soit on a des problèmes de fécondité, soit on est porteur d’une très grave maladie génétique qu’on ne veut pas transmettre (par exemple, la mucoviscidose) et alors on recourt à la PMA pour avoir accès au DPI (diagnostic préimplantatoire, un tri des embryons sur la base de leur patrimoine génétique, les porteurs de la maladie étant écartés). La PMA n’est pas un droit, mais un traitement (comme une chimiothérapie, personne ne revendique le droit à la chimio, parce qu’on préfère tous ne pas avoir le cancer)
    Sur la base de ces données, pourquoi les lesbiennes auraient-elles accès à la PMA ? Sont-elles malades du fait même de leur homosexualité ? Leur « stérilité » est « sociale » et non médicale. Le Conseil National d’Ethique, consulté à ce sujet en 2008, a été catégorique : la PMA « corrige » un problème de santé.
    Leur ouvrir l’accès à la PMA, c’est ouvrir la PMA à tout le monde : les hétéros sans problèmes de fécondité (notamment parce que la PMA, c’est le DPI, qui pourrait être élargi à des choses comme le sexe, la couleur des yeux, de la peau…), les célibataires (la demande existe déjà), les femmes ménopausées etc… Si la PMA est un droit, c’est un droit pour tous.

    Ne tombons pas dans cette horrible dialectique que connaissent les pays anglo-saxon.
    Le risque est d’autant plus grand que si les lesbiennes ont droit à la PMA, qui paie ? La sécu ? sur quelle base médicale ?
    En ces temps de crise, il est peu probable que cela soit accepté.
    Donc on privatise. Et vivent les cliniques de la fertilité, avec vente de sperme et ovule sur catalogue, tri des embryons selon tous les critères que la connaissance scientifique permet etc… Ouvrons les yeux, allons voir chez nos voisins, ce qu’ils acceptent, ce qu’ils pratiquent. En GB : PMA + DPI pour un couple dont l’homme avait, enfant, souffert d’un strabisme d’origine génétique. Il avait été opéré avec succès, mais pourquoi se prendre la tête, autant avoir un gosse qui ne louche pas… (Ca s’est produit en 1999, je n’ose pas regarder où ils en sont). Aux USA : naissance par PMA + DPI d’enfants sourds, d’autres nains, parce que les parents, atteints de ces handicaps, voulaient des enfants comme eux (années 2006-2007). Partout, choix du sexe et évaluation des probabilités sur la couleur de peau et d’yeux (plusieurs gènes impliqués, donc pas de garantie).
    Aujourd’hui, en 2013, promos dans une clinique californienne, seulement 11 000 dollars la PMA. Pendant un mois. Après, retour au tarif normal. A quand les commandes groupées ? Les marques grandes distri pour les embryons un peu moins bien ?
    C’est cela qu’on veut ?
    La non-marchandisation de l’enfant passe par une définition sans faille de la PMA. C’est ce qu’on a en France (et encore, ça se discute, mais ne chipotons pas, on a vraiment fait l’effort d’une position claire et cohérente, merci le CNE !). Je suis vent debout contre toute atteinte à ce cadre, d’autant que je n’ai pas l’excuse des anglais et des américains : je sais déjà comment ces choses évoluent puisqu’on a leur exemple sous le nez, et je n’ai pas la culture de l’argent roi comme eux.

    Je pourrais écrire des chapitres entiers sur la PMA, qui est une boîte avec plein de machins dedans, tous très intéressants au niveau technique et moral, mais je me contente d’un seul point (celui que je maîtrise le moins !) : de nombreux juristes ont alerté le gouvernement, l’Assemblée, et le Sénat, sur le fait que le MPT ouvrirait le droit à la PMA pour les lesbiennes au niveau de la CEDH (cour européenne des droits de l’homme). Apparemment, la CEDH est OK s’il y a deux situations juridiques différentes (type mariage et Pacs, par exemple), mais sinon, sa position c’est que mariage = filiation = PMA. Les arrêts de la CEDH sont contraignants pour les pays. Donc il se peut que la PMA nous soit imposée par la CEDH même si le Parlement n’en a pas voulu. La plainte d’une citoyenne suffirait.

    Hypocrisie de la majorité actuelle ? Argument non fondé ? J’avoue que je ne possède pas les compétences pour trancher. Si ça t’intéresse, je te donne mes sources, bien sûr.

    « Pour ce qui est de la GPA, c’est un autre débat (peut-on fait commerce de son corps ?) et il n’est heureusement pas ouvert en France ; ce serait d’ailleurs un paradoxe alors qu’on veut interdire la prostitution. »
    Moralement, l’écart entre PMA et GPA pour les couples homos me semble assez faible. Louer un utérus, quand on achète déjà des spermatozoïdes ou des ovules, c’est plus grand’chose.
    A titre personnel, j’ai énormément de mal à comprendre comment on peut être pour la PMA pour les lesbiennes et contre la GPA pour les gays. Je ne vois pas comment, si les femmes ont droit à l’enfant, les hommes n’y auraient pas droit, bref je suis très intéressée si tu peux développer ta position là-dessus, car elle est partagée par beaucoup.

    Quant au fait que le débat n’est pas ouvert en France, je ne suis pas tout à fait d’accord, la GPA est déjà largement discutée, et le rapporteur du texte du MPT au Sénat est officiellement pour la GPA. La circulaire Taubira n’arrange pas les choses…
    Ajoutons que ce week-end à Paris a lieu une « réunion d’information » organisée par une fertility clinic américaine, et qu’à l’issue de ces « informations », les couples intéressés pourront commencer les consultations personnelles. En France, sous nos yeux, dans le plus pur mépris de nos lois… Pendant que les policiers, au Jardin du Luxembourg, verbaliseront les dangereux terroristes portant des T-shirt roses avec le logo de la manif pour tous dessus… Ubuesque…

    Bref, je suis allée manifester. J’y retournerai. J’accepte de ne pas partager l’opinion majoritaire. J’accepte que cela soit contraignant pour moi. Mais je n’accepte pas, opinion majoritaire ou pas, ce texte bâclé et mal ficelé, ce refus total d’un débat intelligent et construit, ce mépris de la majorité pour une France soi-disant ringarde et homophobe. (note bien que je n’accepte pas la ridicule récupération de la manif par l’UMP… Nadine Morano, qui a déclaré être pro-GPA, à la manif du 24 mars, Copé incapable de trouver un début d’argument contre le MPT, mais présent aussi à la manif, quelle blague… )

    Avec toute mon amitié,

    CM

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  4. Je voudrais juste réagir là-dessus:
    « Il ne s’agit pas d’autoriser le mariage civil aux homosexuels, il s’agit d’arrêter de l’interdire. »
    En complet désaccord avec toi là-dessus. Les homos ne sont pas exclus du mariage. De fait, ils peuvent se marier et l’ont fait de tout temps. La loi prévoit des restrictions pour pouvoir contracter un mariage et nous sommes tous à égalité là-dessus (être majeur, célibataire, pas d’inceste, épouser quelqu’un du sexe opposé etc…)

    SI « Epouser quelqu’un du sexe opposé » est un critère pour pouvoir contracter le mariage, comment peut-on considérer les homos à égalité avec les hétéros ? Soit il y a une erreur, soit ce n’est pas cohérent comme raisonnement. L’idée du mariage pour tous étant justement de retirer ce critère pour autoriser les homos à contracter un mariage.

    Caribou

    J’aime

  5. Bonjour Daniel,

    « Le mariage s’est effacé à mesure que le divorce était facilité. » : pas tout à fait d’accord avec toi, je vais paraphraser Michel Serres : le mariage se contracte théoriquement « pour la vie… ». Mais jusqu’assez récemment, cela voulait dire dix ou quinze ans, eu égard à l’espérance de vie de l’époque (espérance de vie au début du 19ème siècle, 33 ans). Maintenant, nous somme plutôt à cinquante ou soixante années de vie commune. Ça laisse plus de temps pour que les petites morsures du quotidien rongent « les liens sacrés ». La facilitation du divorce ne vient finalement que régulariser des situations de séparation de fait.

    En passant, amusant de lire exactement les mêmes lettres (et mêmes mots) dans les commentaires de Caribou et CM… (éléments de langage…).

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    1. Olivier,

      ce n’est pas contradictoire

      plus un couple dure plus il a des chances – ou des risques – de vivre une séparation
      mais – expérience faite – il n’y a pas de moment privilégié pour se disputer dans un couple
      on peut se séparer à tout âge et on n’en est pas moins tenté 60 ans qu’à 25

      ce qui est significatif, me semble-t-il de la démonétisation – relative puisque la plupart des couples restent ensemble – du mariage, c’est le nombre de divorces par unité de temps de vie

      autrement dit, par tranche d’année de vie, il y a plus de divorces maintenant qu’il y a une, a fortiori 2, générations

      cela dit, tu as raison de dire que le nombre de divorces seul, même rapporté à celui des mariages, ne fait pas le tour de la question

      Cordialement

      Daniel

      PS : je n’ai pas compris ta remarque concernant le commentaire de Caribou : il ne m’a pas semblé conforter celui de CM, au contraire …

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