Challenges nous apprend que les 500 plus grandes fortunes de France se sont enrichies de 25 % en un an et possèdent 10 % de la richesse du pays. Par ailleurs en mai, Christine Lagarde et le FMI s’étonnaient – pour s’en alarmer – que 0,5 % de la population de la planète possédaient 35 % de sa richesse
l’étonnement m’étonne : cette évolution a simplement pour origines d’une part la détention par des personnes privées des moyens de production et d’autre part le processus d’accumulation du capital, toute cette richesse étant, pour l’essentiel, composée d’entreprises
la propriété privée des moyens de production, qui nous paraît maintenant naturelle, ne l’a pas toujours paru ; un autre modèle a été testé, celui de leur appropriation par la collectivité
mais la propriété collective s’est noyée dans le goulag sous sa version étatique et elle n’émerge pas comme un acteur essentiel – hormis dans la banque et l’assurance – sous sa version coopérative ou mutualiste, les Chèque Déjeuner (services) ou Bosch (industrie) faisant figure de belles exceptions
remarquons en passant que la plupart des personnes dont il s’agit ici – mis à part les cas médiatiques – sont des héritiers qui n’ont pas créé les entreprises qu’ils possèdent, que s’ils sont parfois bien préparés à leurs responsabilités ce n’est pas toujours le cas et que l’entreprise est toujours une aventure collective ; le choix d’en réserver le mérite, le contrôle exclusif de la gestion, la propriété et le profit au seul actionnaire se discute
nous avons pourtant collectivement choisi, dans la deuxième moitié du XX° siècle, de confier aux entrepreneurs le soin de développer le pays à travers la création et la gestion des entreprises et en échange de ce service public, nous leur en avons laissé la propriété ; et ce choix est très peu contesté
ce faisant, notre génération espérait en retour la prospérité pour tous, riches et pauvres : la condition pour que ce système soit supportable est qu’il tire tout le monde vers le haut
cela a bien fonctionné en Europe jusqu’à une période récente et si l’on prend une perspective large cela fonctionne encore pour des millions d’humains partout dans le monde (je n’ai aucune illusion sur les conditons dans lesquelles se développent les pays dits émergents, mais je fais partie de ceux qui pensent qu’il vaut mieux être pauvre en Chine maintenant que sous Mao)
les chiffres publiés récement prouvent que les riches s’y retrouvent ; grand bien leur fasse ! Cela fait litière est billevesées affirmant qu’il n’est pas possible de s’enrichir en France ou que nous n’avons pas de bons entrepreneurs
les riches donc s’y retrouvent ; et les autres ?
le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités de revenus) n’a pas augmenté en France dans les 20 dernières années (OCDE, 2008). Les écarts des revenus d’activité sont donc restés sous contrôle dans la période. Pour les personnes qui ont une activité.
Mais les gains de productivité, les délocalisations et les carences du système de formation ont abouti en même temps à l’exclusion de toute une partie de la population et à la panne de l’ascenseur social
pour résumer, lorsque les riches utilisent leur fortune pour développer le pays (investir, innover, gagner des parts de marché, créer des emplois …) ils remplissent leur fonction et sont légitimes ; lorsqu’ils dilapident le capital, se trompent de voie, s’endorment sur leurs acquis, ils ne le sont plus et la société est en droit de leur demander des comptes
quand Pierre Kosciusko-Morizet se plaint du désamour dont souffrent les riches (« on nous déteste, alors qu’on devrait nous remercier de créer des emplois » – citation approximative de mémoire), la bonne réponse est : « chiche ! »
au fond ce qui est indécent, ce ‘est pas l’accumulation du capital, c’est l’excès de consommation à des fins individuelles (châteaux, yachts, yearlings, jeu etc…) de fortunes utiles à la collectivité et qui sont fruit d’un effort collectif
Daniel Gendrin