… un tournant, quel tournant ? partie 2 …

on trouvera ci dessous un texte que j’ai publié en avril 2005
il était destiné à alimenter le débat au sein du PS (dont j’étais alors militant) à l’occasion de la campagne pour le traité européen et en préparation de celle de 2007
« nous » dans le texte signifie donc « nous socialistes »
à l’époque, dans certaines sections du PS, c’était un peu comme crier dans le désert …
je suis bien content de constater que, petit à petit, ces idées finissent pas y prendre le pouvoir …
Daniel Gendrin
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Réflexions sur la politique économique menée (publié le 13 avril 2005)
Un tout petit peu de politique : 

Le débat sur le Traité Constitutionnel et la préparation de 2007 nous incitent à avancer dans la réflexion ; par ailleurs la division du PS montre que la défaite de 2002 n’a rien réglé au fond.

Nous sommes d’accord pour dire qu’il faudra faire au pouvoir ce que nous aurons annoncé dans l’opposition mais cette obligation ne facilite pas la discussion des projets ; en effet, il ne peut subsister ni doute ni ambiguïtés et l’unanimité de façade devient impossible.

On peut dire sans trop se tromper qu’il y a au moins 2 lignes (avec des nuances) : l’une sociale-démocrate et l’autre anti-capitaliste (on peut leur donner toutes sortes d’autres noms).

Quelques points d’histoire pour tenter d’éclairer le débat.

Sur la période 1975 -2005, en 30 ans nous avons eu :
  • 7 ans de Giscard, 14 de Mitterrand et 9 de Chirac
  • 15 ans de gouvernement de gauche (Mauroy, Fabius, Rocard, Cresson, Bérégovoy,  Jospin)
  • 15 ans de gouvernement de droite (Chirac, Barre, Chirac, Balladur, Juppé, Raffarin)
Depuis 1975, la France et l’Europe vivent, après la révolution industrielle, une nouvelle révolution : ouverture des marchés, libéralisation des mouvements de capitaux, explosion de la productivité, passage de l’industrie aux services, civilisation de l’information, internationalisation des multinationales….
Depuis peu (5 ans ?) cette révolution se généralise avec la mondialisation.
Comment la France a-t-elle vécu ces 30 ans ? 
  • Développement et internationalisation rapide des grandes entreprises,
  • Progressive mise en place d’un réseau de PME exportatrices,
  • Croissance assez bonne pendant 15 ans.
  • Renforcement de la protection sociale pour les gens qui ont du travail
  • Enrichissement du pays (surtout pendant les 15 premières années)
En parallèle :
  • Augmentation du chômage.
  • Développement de la précarité.
  • Augmentation des inégalités (après une diminution historique pendant 30 ans)
  • Permanence du déficit et accroissement continu de la dette publique
  • Embauche dans le secteur public (effectif + 20 % sur la période).
  • Diminution de la durée du travail (39h, 5° semaine, 35h).
  • Gains de productivité dans le secteur privé.
Résultat :
  • Accroissement de la dette de la France (triplement à + de 60 % du PIB)
  • Ralentissement de la croissance
  • 10 % (au moins) de chômeurs
  • 1 M de Rmistes
  • 15 à 20 % de précaires (dont certains dans des situations très difficiles).
 Cherchez l’erreur….
Réflexions :
On peut tout admettre comme politique économique ; encore faut-il qu’elle fonctionne et qu’à plus de dépenses corresponde un meilleur service.
La situation actuelle provient, entre autres raisons, d’une lecture simpliste de Keynes qui prétendrait que parce qu’on injecte plus d’argent dans la machine il y a automatiquement plus de croissance.
  • Ce n’est vrai que sur courte période et en fonction de la position dans le cycle.
  • Utilisé à contre cycle ou sur longue période c’est le tonneau des Danaïdes.
  • Ce n’est pas l’instrument d’une politique structurelle. C’est un outil conjoncturel.
NB : Je ne suis pas un expert de Keynes mais lorsque j’entends les « économistes » anti-libéraux s’y référer à chaque page à l’appui de leurs thèses, j’imagine qu’il se retourne dans sa tombe…
La comparaison des années Jospin et Raffarin est très instructive :
  • Notre politique conjoncturelle a été bien meilleure que celle de la droite (dans un environnement pas si différent, quoiqu’on en ait dit) : création d’emploi, accroissement des heures travaillées, baisse du chômage, croissance supérieure à celle d’autres pays européens… cela prouve que toutes les politiques conjoncturelles ne se valent pas.
  • Mais nous n’avons rien résolu pour le long terme (retraite, sécu, productivité de la fonction publique, recherche, investissement …)
  • Et l’utilisation de la cagnotte pour solder des mécontentements divers et redistribuer à contre cycle n’a rien apporté en croissance et  a contribué à décrédibiliser notre action (il est vrai que Strauss-Kahn avait été remplacé par Fabius…).
Alors que faire ?
–    les anti-libéraux sont clairement sur une ligne de poursuite d’injection d’argent public et, au besoin, de retour à une économie administrée ou semi administrée (protections aux frontières etc.).
Outre le fait que nous serions les seuls à vouloir cette politique et qu’une nouvelle fois nous reviendrions au pouvoir avec une politique que nous ne pourrions tenir plus de quelques mois, cela pose des questions évidentes: avec quel argent ? avec quelle majorité ? avec quelles entreprises ? avec quels partenaires ? …
– les sociaux-démocrates ne sont pas bien clairs, parce qu’ils n’osent pas affirmer leurs options ou parce qu’ils n’en ont pas vraiment …
Et pourtant il faut décider d’une politique, l’énoncer clairement aux français et la défendre devant le peuple et d’abord le peuple de gauche (le seul qui puisse nous conduire au pouvoir).
Car enfin que devons nous à ce peuple ? des discours ? des promesses ? des grands soirs ? nous devons en priorité mener une politique économique qui lui donne du travail.
2 réflexions :
  1. Les autres pays européens font mieux que nous, puisons dans leur exemple (plutôt que de les poursuivre de nos anathèmes au prétexte que ce ne sont pas des « bons » socialistes)
  2. ce n’est plus en injectant massivement de l’agent dans la machine que l’on développera l’emploi. Cette politique d’injection d’argent est menée depuis  30 ans sans discontinuer par tous les gouvernements et mène à l’échec.
NB :
–          cela ne veut pas dire que, conjoncturellement, on ne peut pas faire intelligemment du Keynes
–          il ne peut s’agir d’une révolution ; mais nous devons changer de philosophie économique

Cela passe pour nous par la remise en cause de tabous :

La concurrence :

Elle n’est pas une idéologie, elle est un outil et un outil social.

C’est grâce à elle qu’aucune entreprise ne peut prendre à la gorge ses clients (qui peuvent changer de fournisseur) ; elle pousse à l’initiative, à l’innovation, à la recherche, à l’amélioration de la productivité.

Un monde sans concurrence c’est un monde de Traban et de téléphones en bakélite.

Un monde sans concurrence, nous avons déjà essayé, à l’Est et pendant 50 ans. Ca n’a pas marché.

Un monde ou la concurrence est faussée c’est un monde sans concurrence.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas réglementer : au contraire, il le faut et avec force : sans réglementation, la concurrence conduit aux monopoles.

Les services publics :

Ce qu’on défend avec la propriété publique des moyens de production d’EDF ce sont les droits acquis des salariés d’EDF et c’est tout. C’est d’ailleurs normal, mais il ne faut pas le cacher.

Tous les pays développés ont l’électricité, services publics à la française ou non.

Ce à quoi le peuple de gauche a droit (et celui de droite aussi d’ailleurs) c’est d’électricité au bon endroit, au bon prix et tout le temps. Le reste est affaire d’opportunité : si le service est mieux (qualité, coût, régularité etc. …)  rendu par  l’État tout va bien ; dans le cas contraire, il n’y a aucune raison que ce soit l’État qui produise ou distribue.

Nos devons faire une liste des services que chacun est en droit d’attendre à notre époque puis décider quels sont les services marchands dont la puissance publique doit conserver la propriété et l’exploitation, seulement l’une des deux ou seulement le contrôle.

On peut, entre autres, se poser la question des grands réseaux (routes, voies ferrées, eau, électricité, informations …) propriété ? contrôle ? exploitation ? quel droit de regard ?

Encore une fois tout est question d’opportunité ; ce qui compte c’est que le service soit rendu avec la bonne qualité et au moindre coût. Le seul rôle dont l’Etat ne peut pas se décharger est celui de fixer les règles et de mutualiser le coût des éventuelles péréquations.

Toute autre est la question de la défense des intérêts des employés de l’Etat ; les fonctionnaires employés de France Telecom n’ont pas perdu leurs droits avec la privatisation. Il y a donc des solutions.

La question des services non marchands de l’Etat (éducation, police santé, …) se pose de manière complètement différente et n’est pas discutée ici.

Taux de prélèvement obligatoire

Entendons nous bien : comme les autres indicateurs, sorti du contexte, il n’est pas significatif. Un pays peut être en très bon état avec un taux de prélèvements élevé et réciproquement un taux faible ne signifie pas que le pays va bien.

Un pays dont le taux est élevé a simplement confié à la puissance publique un grand nombre de missions. En soi c’est plutôt une garantie de solidarité et un fonctionnement lissant les à-coups. Les pauvres y sont mieux défendus.

Il en est de même (pour la même raison) de l’effectif de la fonction publique : ce n’est pas un indicateur pertinent pour rendre compte de la santé du pays lorsqu’il n’est pas mis en regard de la productivité des services de l’Etat.

Mais encore faut-il que l’argent, confié à l’Etat par les citoyens, serve effectivement à quelque chose et que la productivité soit au bon niveau, c’est-à-dire que les gens « en aient pour leur argent ».

C’est toute la question : si le taux monte à service constant, le citoyen est volé.

Comment fixer le bon niveau de rapport coût / service ?

  • Par la comparaison internationale pour les services non marchands (aucune raison que l’éducation coûte plus cher ici que là, à service rendu égal).
  • Par la comparaison avec le service que rendrait une entreprise privée pour les services marchands, toutes choses égales par ailleurs.

Une difficulté pour nous autres Français est que nous n’aimons pas la comparaison internationale.

La dépense publique :

Lorsque l’on injecte de l’argent dans la machine en bas de cycle et au bon endroit, ç’est efficace.

C’est ce qu’ont fait Jospin et Strauss Kahn en 1997 : la reprise était proche, la création des emplois-jeunes et les 35 heures (avec l’euphorie consécutive aux élections) ont injecté du pouvoir d’achats (en développant l’emploi) ; cela a marché au delà des espérances et a eu un effet d’entraînement formidable en terme de croissance.

A contrario, la politique de Raffarin prouve qu’il ne faut pas injecter l’argent n’importe où et n’importe quand.

De  toutes façons avec l’état des finances publiques, on a de moins en moins la possibilité d’injecter de l’argent tout court et il faut trouver autre chose. Si donc on veut mettre de l’argent quelque part (emplois publics, recherche, éducation, actions publiques en général) il faudra en prendre ailleurs et pas dans l’accroissement de la dette.

La gigantesque escroquerie du siècle c’est de prétendre que Bruxelles impose la limite de 3% pour le déficit ; c’est le bon sens qui l’impose, tout simplement. Il faudra dépasser l’équilibre pendant un bout de temps si on veut diminuer la dette.

Productivité :

C’est le rapport entre les ressources employées et ce qu’elles servent à produire

Améliorer la productivité c’est faire plus au même coût ou c’est travailler moins pour produire la même chose.

En soi, c’est positif.

Mais c’est aussi l’origine de la diminution des emplois industriels (après l’avoir été pour les emplois agricoles).

Alors, bien sûr, il faut savoir ce que l’on fait des améliorations de productivité : distribuer du pouvoir d’achat ? produire + et exporter ? faire du chômage ? faire baisser les prix ?  lutter contre les délocalisations ? augmenter les profits ? réduire le temps de travail ? investir ?

Paradoxe : favoriser l’investissement dans la recherche améliore la productivité et joue contre l’emploi, mais aussi réduit le risque de délocalisation et joue pour l’emploi.

Les retraites

Tout le monde a tapé sur Fillon et sur la CFDT à propos des retraites des fonctionnaires.

Si nous revenons au pouvoir, nous l’annulerons ; très bien.

Ensuite,  que fera-t-on ? 4 pistes :

  • Augmenter la productivité
  • Augmenter la population active (immigration ou natalité)
  • Retarder le départ en retraite (faire la même chose que Fillon)
  • Un mix de ces 3 politiques

Y en a-t-il d’autres ? Laquelle est la nôtre ?

Il y a bien eu en 2003 des socialistes pour proposer d’augmenter la dette ou l’impôt à hauteur d’un point de PIB. Quand on pense à la difficulté qu’on a à dépasser 2% de croissance et à l’ampleur de la dette… étonnant d’irresponsabilité !

La Sécu

Que fera-t-on (à part abroger la dernière loi qui, c’est vrai, ne suffit pas à résoudre la question) ?

Je n’ai pas bien suivi ce qui est proposé à ce sujet par le PS en alternative de ce qu’a fait Raffarin.

Conclusion

Il y a bien peu de propositions dans ce document. Mais il est déjà trop long.

Et au fond le débat au sein du parti socialiste porte tellement sur des questions idéologiques qu’il me semble utile de revenir sur celles-ci avant de proposer celles-là.

Si l’on admet que l’emploi est la clef de ce qu’il faut faire, il y aura 3 sujets pour 2007 :

  • Quelle politique macro économique pour remettre la France en équilibre ?
  • Comment créer dans les services les emplois que nous perdons ailleurs ?
  • Quelle politique pour développer la recherche ?

Ce sera l’objet de la suite du débat.

Daniel GENDRIN

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