… hélas, Ellas …

une amie fait passer sur Facebook un article de Pascal Riché (l’Obs) à propos de la Grèce ; pas de chance, d’habitude je suis plutôt de ce camp, mais cette fois-ci, je ne partage à peu près rien de ce qui y figure

pulvérisant les règles de ce blog (… 300 mots… promis, je n’en ferai pas une habitude) je vous soumets en vis à vis l’article et mon commentaire

je vous préviens, mon opinion n’est pas à la mode ; même Strauss-Khan, ce matin sur France Inter prend parti contre moi … (on peut rire ?)

Daniel Gendrin

 

ARTICLE DE L’OBS COMMENTAIRES DANIEL GENDRIN
Lecteur ou lectrice de « l’Obs », tu votes probablement à gauche, mais tu n’es pas sectaire pour un sou, tu as donc le bonheur d’avoir des amis de droite, qui aiment les budgets contenus et équilibrés et ne jurent que par la « responsabilité ». L’un d’eux est particulièrement irritant, surtout depuis qu’il a pris la Grèce pour cible. Appelons-le Nicolas. A chaque dîner entre amis, il dégaine sa savante panoplie d’arguments pour expliquer pourquoi il faut laisser tomber les Grecs comme de vieilles sandales : ils l’ont bien cherché.Toi, tu sens bien que tu n’ébranleras jamais Nicolas en prônant la solidarité avec les peuples qui souffrent, encore moins en glorifiant l’amitié franco-grecque que chantaient au 19e siècle Hugo, Delacroix, Chateaubriand ou Berlioz et autres philhellénistes. Voici donc un petit vademecum qui t’aidera à répondre, pied à pied, aux arguments de ton fâcheux ami, s’il vient te chercher de nouveau sur la question grecque.

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jusqu’ici tout va bien … sauf que, quoique de gauche, j’aime les budgets contenus et équilibrés

1″Les Grecs pleurnichent, mais ils sont les seuls responsables de ce qui leur arrive »

Les dirigeants grecs ont fait de grosses erreurs, sans doute. Ils ont maquillé leurs comptes pour entrer dans l’euro, avec l’aide de la banque Goldman Sachs. De même, ils ne se sont pas attaqué avec assez de vigueur au clientélisme de leur système politique.

L’UE ne les a pas aidés dans cette tâche.

Mais le nouveau gouvernement grec, composé de personnalités qui n’ont jamais été mêlées jusque là au pouvoir, n’est pas corrompu : c’est le mieux placé pour conduire la réforme de l’Etat.

Il faut donc l’aider au lieu de l’enfoncer

Mettre sur le dos des Grecs leur quasi-faillite est injuste.

Leurs problèmes ont été déclenchés par la crise américaine des subprimes :

avant 2008, les chiffres de l’économie grecque étaient encourageants. Le PIB par habitant était passé de 22.000 euros à 30.000 euros entre 1999 et 2007.

Et depuis quelques années, ce ne sont pas eux qui coordonnent la politique économique du pays, c’est la troïka : UE, BCE, FMI. L’austérité qui leur a été imposée par ce trio a terriblement aggravé les choses. De ce point de vue, c’est plutôt l’UE qui a une dette envers les Grecs.

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comment ça les aider ? il aurait fallu mettre la Grèce sous tutelle ? on sait ce que veut dire « aider »

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aujourd’hui, on va lui prêter 80 milliards de plus – dont 30, si j’ai bien lu, pour l’investissement ; je n’appelle pas ça enfoncer …

allons bon ! … revoilà les subprimes ; elles ont bon dos…

quelle est la réalité ? ces chiffres étaient trafiqués (cf les manipulations orchestrées par Goldman Sachs) ; au fond, la descente aux enfers, la baisse du PIB de 25 %, n’est peut-être qu’un retour au réel

depuis son adhésion, la Grèce a bénéficié des fonds structurels européens à hauteur, en 33 ans, d’une fois son PIB ; à quoi s’ajoutent 3 fois le PIB en prêts

où est passé l’argent ?pendant ces 33 ans, elle s’est gérée toute seule …

… alors la dette de l’UE …

2″Le seul moyen de résoudre le problème des Grecs, c’est qu’ils dégagent un surplus budgétaire qui leur permettra de rembourser leur dette »

Ce n’est pas « le seul moyen », c’est le plus idiot. Il est d’ailleurs très rare, historiquement, qu’un pays résolve son problème d’endettement de cette façon. Généralement, c’est l’inflation ou l’annulation qui permettent d’effacer les ardoises. Sais-tu que la France et l’Allemagne ont ainsi eu droit à des remises de dette énormes après la seconde guerre mondiale, ce qui leur a permis de redémarrer ?

Imposer à un pays de dégager un surplus primaire (avant paiement des intérêts) de 3,5% à partir de 2018 est « d’une stupidité aveugle », pour citer le Nobel Joseph Stiglitz. C’est lui flanquer un nouveau boulet au pied pour des années, c’est empêcher son économie de redécoller après l’avoir fait sombrer délibérément par des saignées violentes. Tout se passe comme si on cherchait à « punir » la Grèce : c’est une approche disciplinaire et moralisatrice, mais elle n’est ni pragmatique, ni européenne, ni humaine.

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personne ne peut imaginer supprimer une dette sans être convaincu que le débiteur ne va plus dépenser 100 quand il gagne 85

le seul point sur lequel Stiglitz, Piketty, Strauss-Khan & C° ont raison : il faudra restructurer les dettes et pas seulement celles de la Grèce

tout le monde en est conscient, y compris les Allemands

mais on ne pourra évidemment en parler que quand les comptes primaires seront équilibrés

la question des 3,5 % tombera d’elle-même, sans doute avant 3 ans

3″Tsipras est un maître chanteur irresponsable. Il a tenté de commettre

une extorsion en prenant en otage 50 ans de construction européenne »

Tsipras a simplement tenté d’instaurer un rapport de force, ce qui est très difficile quand on est à la tête d’un pays qui ne pèse que 2% du PIB de l’UE. Mais il est resté pro-européen jusqu’au bout, allant jusqu’à boire la ciguë que lui offrait l’Europe pour éviter d’en être chassé.

On peut difficilement le traiter d’irresponsable : il a au contraire été responsable jusqu’à risquer son propre suicide politique.

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faire voter un peuple contre des mesures qu’on va faire passer la semaine suivante …

incompétence ou irresponsabilité ?

4″Les Grecs n’ont pas fait de réformes »

Les Grecs ont fait plus de « réformes », souvent douloureuses, qu’Angela Merkel sous son mandat.

Prenons les retraites, par exemple : depuis 2012, l’âge légal du départ à la retraite est passé de 60 à 62 ans et les salariés doivent travailler 40 ans, et non plus 37,5, pour prétendre à une pension à taux plein. Les pensions ont été diminuées de 20% en moyenne. La liste des métiers « pénibles » ayant droit à un régime plus favorable est passée de 30% à 10%…
Ajoutons que les salaires ont baissé de 20% en moyenne. Quel autre pays supporterait cela ?

Ce qui est vrai, c’est que la Grèce n’a pas réalisé toutes les réformes imposées par la Troïka, qui avait dressé une liste parfaitement irréaliste.

La France a mis des siècles à construire un Etat moderne, et on donne à la Grèce quelques mois pour le faire !

LireAllemagne vs. Grèce : fais ce que je dis, pas ce que je fais ?

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les Grecs ont fait les réformes qu’il fallait faire

Tsipras a, en janvier 2015, dit qu’il ne les appliquerait pas s’il était élu

d’où la crise, puisqu’il a été élu

moi, je ne suis pas étonné que les créanciers se soient fâchés

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pas quelques mois, 33 ans ! et les moyens financiers …

5″Les Grecs ont déjà eu une annulation de dette en 2012″

Cette amputation ne concernait que les créanciers privés, qui ont « pris leur paume », selon les lois du marché. Leurs créances ont connu une décote de 50%.

Pragmatiques, ils ne se sont pas énormément plaint : c’est pour eux aussi banal que la chute du cours d’une action.

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créanciers privés ou pas, les Grecs ont bénéficié d’une annulation de dette de 100 milliards d’€

je ne sais pas si les créanciers ont trouvé ça « banal » mais comme ce sont des banquiers, ce sont les clients – nous – qui ont payé ces 100 milliards

6″La Troïka leur a apporté des flots d’argent pour financer leurs déficits, sans parler des aides structurelles européennes »

L’aide n’a pas non plus été un cadeau, mais une série de prêts pour éviter que les problèmes grecs viennent déstabiliser la zone euro et ses banques.

Ces prêts ont d’ailleurs gravement alourdi la dette du gouvernement grec. Et cet argent n’a pas « aidé » le peuple : il n’a servi qu’à rembourser d’autres créanciers, et à soutenir le secteur bancaire.

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faux : les fonds structurels sont des subventions, pas des prêts

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par définition lorsque vous empruntez, vous alourdissez votre dette …

quant au soutien – avéré – apporté aux banques, au bout du compte, que se passe-t-il, en Grèce comme ailleurs, quand les banques s’écroulent ? qui est victime ?

7″Pourquoi cette fascination pour l’annulation de la dette ? Elle a déjà été restructurée. Rapporté au PIB, le service de la dette de la Grèce en 2015 est comparable à celui de la France »

Le problème, c’est que les institutions ne se calent pas sur le ratio service de la dette/PIB pour infliger leurs programme d’austérité, mais sur le ratio dette/PIB. Qui n’a cessé de grimper à cause des politiques que ces mêmes institutions ont imposées !

Sur le fond, le poids de la dette reste un problème : l’alléger permettrait de donner une perspective à la Grèce, et de faciliter le retour à la croissance. Et selon un rapport du FMI, si on ne la restructure pas, elle passera de 180 à  200% du PIB dans les deux prochaines années.

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je ne savais pas que le service de la dette Grecque était comparable à celui de celle de la France, merci de l’info

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la question de la restructuration des dettes d’État se pose en Europe

elle se discutera d’autant plus facilement qu’on sera revenu – en Grèce comme ailleurs – à l’équilibre des comptes

8″Vouloir réduire la créance du FMI sur la Grèce serait monstrueux : ce serait faire payer le Bangladesh et le Sénégal pour un pays européen »

Pas faux. Mais l’Europe peut racheter la créance du FMI (30 milliards de dollars) ce qui n’est rien par rapport aux 1.000 milliards que la Banque centrale européenne a créé dans le cadre du programme de « quantitative easing ».

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pas de problème, l’Europe paiera ! quel argument …

9″Les Grecs ont un problème avec l’impôt »

Il s’agit d’un cliché culturaliste, voire essentialiste, aussi caricatural que « les Allemands sont disciplinés » ou « les Français sont râleurs ».

Les recettes fiscales on baissé, mais c’est parce que la base fiscale a fondu. Quand le chômage passe de 10% à 25%, il ne faut pas s’étonner que l’impôt entre moins bien.

Les deux tiers des travailleurs (salariés du privé ou fonctionnaires) payent leurs impôts pour une raison simple : ils sont prélevés à la source ! Le problème, ce sont les rentrées d’impôts dûs par les professions libérales, les riches, les grandes entreprises.

 

Il faut aider les Grecs à bâtir un cadastre et à mieux imposer les rentes et le capital.

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et la TVA … des petits bistros … des petits artisans … et le travail au noir … ah, les clichés culturalistes !

comment ça, il faut aider les Grecs ? on veut les mettre sous tutelle ? les Grecs doivent construire eux-mêmes leur État moderne …

10″Les retraites des Grecs sont généreuses comparées aux autres pays »

Pour affirmer cela, tu te bases sur le taux de reversion. Mais ce n’est pas parce qu’un retraité grec touche une pension de 70% de son salaire qu’il est plus riche qu’un retraité allemand, qui n’en touche que 57%.

Ce qu’il faut regarder, c’est le niveau réel des pensions : et là, tu te rends compte que 60% des retraités sont en dessous de 800 euros par mois, et que 45% sont est en dessous du seuil de pauvreté (665 euros).

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bien sûr que si ! à parité de pouvoir d’achats, le retraité Grec qui touche 70 % de son salaire est plus riche que l’Allemand qui touche 57 % du sien …

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que veut dire 800 € en pouvoir d’achats Grec ?

11″Le gouvernement Tsipras est rouge-brun. Il s’est allié au parti d’extrême-droite ANEL ! »

ANEL n’est pas tellement plus brun que Nicolas Dupont-Aignan ou Jean-Pierre Chevènement. Son leader a tenu des propos détestables, je te l’accorde. Mais ce n’est pas « Aube Dorée » non plus.

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piètre alliance … mais bon, on fait ce qu’on peut … de toutes façons, le leader en question vient d’être mis à la porte du gouvernement …

12″Un Grexit clarifierait les choses »

Un Grexit imposé par l’UE serait extrêmement violent : l’Europe ne peut congédier la Grèce ! Le pays risquerait de connaître un chaos économique et de tomber dans les bras de la Russie. Un tel Grexit galvaniserait l’extrême droite, en Grèce et ailleurs. Il exciterait les marchés qui spéculeraient contre les dettes italiennes, espagnoles… faisant monter leurs taux d’intérêt. Bref, sauf s’il est choisi par les Grecs et accompagné par un vrai « plan Marshall », un Grexit serait une très mauvaise solution. D’autant que la Grèce exporte peu, et profiterait donc peu de l’effet « compétitivité » d’une dévaluation.

Si les créanciers de la Grèce espèrent être remboursés en prenant cette voie-là, ils se font des illusions : un Grexit éloignerait encore plus les chances de la Grèce de redevenir solvable.

LireAllemagne : l’homme de fer qui veut chasser la Grèce

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un Grexit plongerait probablement la Grèce dans le chaos et la misère (la vraie) ; l’exemple serait, me semble-t-il, dévastateur pour l’extrême droite ailleurs en Europe et pour les rêveurs qui veulent quitter l’€, ce qui serait plutôt sympathique

mais les conséquences géopolitiques et symboliques d’un Grexit seraient, elles, redoutables, sans parler des conséquences pour les Grecs eux-mêmes …

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je partage cet avis

13″Annuler une partie de la dette grecque, alors que d’autres pays ont fait des efforts pour la contenir, serait injuste »

L’argument est absurde : ce n’est pas parce que certains pays ont injustement été soumis à une cure parfaitement inefficace d’austérité qu’il faut l’imposer aux autres.

Proposes-tu, au nom des souffrances des Portugais ou des Italiens, de condamner les Grecs à souffrir plus encore ? Bravo pour ta conception de l’Europe.

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c’est toute la question : il est à la mode chez tout le monde (Stiglitz, Piketty …) de basher l’efficacité des politiques dites d’austérité … je ne suis pas d’accord ; cela nécessite un développement ailleurs et je m’y emploierai

cela dit, les Espagnols, les Portugais, les Irlandais et d’autres ont en effet été soumis à une potion amère; ils espèrent s’en sortir grâce à elle

je doute qu’ils apprécient de payer pour les Grecs

14″Les Grecs ne foutent rien »

Je n’attendais plus que ce cliché typiquement sarkozyste (« Le problème, c’est qu’on ne travaille pas assez en Grèce » – Nicolas Sarkozy le 8 juillet). C’est une fable ! Selon les chiffres d’Eurostat, les Grecs sont ceux qui travaillent le plus par semaine au sein de l’UE : 40,6 heures en moyenne !

Regarde donc cet article d’Alter Eco.

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je n’ai pas d’avis sur ce point

15″Les Grecs n’ont pas le courage de

faire payer des taxes à leurs armateurs »

Les taxes sur les armateurs ne sont pas moindre que dans les autres pays. Le problème, c’est que ce sont des gens très difficile à taxer, car leur outil de production flotte : il peut changer de latitude et de pavillon très facilement.

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c’est l’un des effets pervers de la mobilité de la finance ; les Grecs n’ont en effet pas beaucoup de solutions

c’est d’ailleurs une question qui se pose partout

16″Les Grecs ne sont pas fichus de faire payer leur Eglise »

L’Eglise est traitée comme toutes les autres ONG du pays. Il faut savoir aussi qu’elle assure une partie des services publics, gratuitement. Et elle gère mal son patrimoine immobilier, qui crache très peu d’argent : le gouvernement Tsipras entend créer des holdings communs pour l’aider à mieux tirer partie de ce patrimoine, et une partie des ressources ira à l’Etat.

LireLe trésor caché des popes grecs

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je n’ai pas d’avis sur ce point, sauf à dire que, effectivement, il ne peut y avoir de rente de situation

17″Pourquoi les Français renonceraient-ils à 700 euros chacun, en cas d’annulation de la dette grecque, pour les beaux yeux des Grecs ? »

Parce qu’ils gagneraient beaucoup plusque 700 euros si l’on parvenait à faire redémarrer la croissance européenne, qui est bloquée par l’austérité actuelle ! On peut imaginer que cette annulation s’inscrive dans le cadre d’une conférence plus large, qui conduirait à réduire la dette publique de tous les pays européens.

J’ajoute qu’un effacement de créance de 700 euros par Français n’aurait qu’un impact comptable pour la France. Comme l’explique bien « La Tribune« , il ne se traduirait pas par des impôts supplémentaires.

 

 

 

Pascal Riché

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faire redémarrer la croissance Grecque n’aura qu’une influence marginale sur celle de l’Europe

affirmer que la croissance européenne est bloquée par l’austérité, c’est faire du Montebourg, c’est guignolesque … on y reviendra

monsieur Riché, allez voir votre banquier, expliquez-lui que vous avez effacé une créance sur votre belle-mère de 700 € et dites-lui sans rire que ça n’a qu’un impact comptable …

bien sûr que cela ne changerait rien à la trésorerie de la France, mais à sa richesse, si !