… du Front National, partie 2 …

… parlons-en donc, puisqu’il faut en parler …

je ne dirai pas ici le danger que représente son accession au pouvoir, danger dont je suis convaincu mais que ne semblent plus craindre les Français ; ces gens ne sont pas démocrates, leurs fréquentations – Poutine, Orban, … – le montrent assez

parlons, une fois de plus, économie

mes références sont prises sur le site frontnational.com ; confirmées lors d’une conférence de presse le 11 août 2011 par Marine le Pen, leurs propositions tiennent en 9 points (cf le site)

je n’en retiens ici que 4 qui me paraissent symboliques

  1. stopper l’expérience malheureuse de l’Euro
  2. rétablir un contrôle des capitaux, des marchandises et des personnes
  3. rétablir la possibilité pour la France d’emprunter à la Banque de France
  4. réduire la dépense publique et par exemple revenir sur la décentralisation
sur le point 1, l’exemple que nous vend Marine le Pen est celui de la Grande Bretagne ; pour quelqu’un qui prétend « rompre avec le modèle économique ultra libéral », nous vendre l’exemple de l’Angleterre est pour le moins croquignolesque

quitter l’€ c’est se trouver seuls dans le grand bain … on peut y aller, mais les efforts d’adaptation ne seront pas les mêmes et les temps d’adaptation autrement plus rapides : dehors c’est – bien plus que dedans – la loi de la jungle …

je n’insiste pas sur le point 2 : il s’agit de retrouver la France d’autrefois et ses rigidités ; on voit clairement pointer l’État autoritaire …

le point 3 est amusant : il s’agit de s’emprunter à soi-même … autrement dit, faire fonctionner la planche à billet

Marine le Pen veut revenir à l’étalon-or … quitter la dictature des banques centrales pour celle des multinationales minières …

rappelons que les banquiers centraux sont nommés par des gouvernements élus démocratiquement

le point 4 : supprimer les intercommunalités et revenir aux 38 000 communes … pathétique et démagogue : c’est revenir à une dispersion des moyens impuissante et gaspilleuse …

globalement, il s’agit de revenir à hier … mais si le fond est mauvais, la forme est séduisante ; les fleurs carnivores savent se décorer pour attirer les insectes

inventer l’avenir ou revenir au passé ; chacun choisira

Daniel Gendrin

… du Front National, partie 1 …

… Marine le Pen ferait 40 % au premier tour des Régionales … on verra … mais les vendeurs de cauchemars ont le vent en poupe un peu partout …

on reviendra sur leurs propositions ailleurs ; on parle ici des raisons de leur succès …

premièrement, la promesse de retour de la croissance n’est pas tenue ; logiquement, les peuples sanctionnent les gouvernants et votent pour ceux qui n’ont jamais été au pouvoir

mais paradoxalement j’ai trouvé au livre de l’Exode une bonne image de la révolte des peuples d’aujourd’hui : le livre décrit les hébreux partis d’un monde connu, traversant le désert et marchant vers l’inconnu avec les tribulations que cela suppose (faim, soif …)

ils récriminent contre Moïse : «… ah ! si nous étions … au pays d’Égypte, quand nous étions assis près du chaudron de viande, quand nous mangions du pain à satiété … » …

… s’ils avaient eu à voter, Moïse n’aurait pas été élu …

c’est ce qui nous arrive : nous sommes sortis d’un monde confortable – mais acquis à crédit et pas tenable pour tous – et – mondialisation et révolution technologique aidant – nous ne savons pas où nous allons … alors, nous regardons en arrière et refusons d’entrer dans demain

d’où repli sur soi et tentation de retour en arrière : quitter l’Euro – cf. le programme du FN – voire l’Europe – cf. le référendum anglais – revenir aux frontières nationales, voire régionales – cf. la Catalogne – et au protectionnisme, revenir à des régimes autoritaires – comme si la liberté était, tout d’un coup, trop lourde à porter …

ce mouvement n’est propre ni à la France ni à l’Europe – le Tea-Party dit la même chose aux États-Unis – et il est naturel : quoi de plus angoissant que l’inconnu ? *

mais le repli sur un passé idéalisé et le refus de l’ouverture au monde, conséquences de la peur de demain, seront causes de déclin – ou de pire – s’ils parviennent à s’imposer

Daniel Gendrin

* on peut dire aussi : quoi de plus exaltant que d’inventer demain ?

… 2 livres, une leçon et un article … vous arrivez à suivre, vous, en économie ? …

  • 2 livres : Le Capital au XXIème siècle (Piketty) et Piketty, au piquet (Frédéric Georges-Tudo)

  • la leçon inaugurale de Philippe Aghion professeur au Collège de France (extraits publiés dans Le Monde daté 3 octobre)

  • un article : L’innovation high-tech est-elle si productive ? (Le Monde du 22 mai 2014)

  • d’autres informations issues du FMI, de l’OCDE et d’ailleurs

du livre de Piketty je ne rappelle que la thèse : lorsque le rendement du capital est supérieur au taux de croissance, les inégalités croissent ; or, nous entrons dans une phase de croissance faible, donc, sans réaction politique, nous allons vers un accroissement indéfini des inégalités

celui de Georges-Tudo déborde tellement de haine qu’on se demande si la seule motivation de l’auteur n’est pas la jalousie devant le succès littéraire – et financier – de Piketty

en 2 parties, il mène une attaque en ligne contre le bouquin adverse – traitant Piketty de menteur – et entonne une hymne ultra-libérale pas toujours exempte de contradictions

parlant des États-Unis, il nie l’accroissement des inégalités et constate que les plus grosses fortunes sont récentes, appuyées sur l’innovation et le travail ; elles sont donc méritées ; l’alourdissement de la fiscalité envisagé par Piketty pour les grosses fortunes s’apparente, de ce fait, à une spoliation

s’appuyant sur Schumpeter, il pense qu’il y a un hystérésis entre l’apparition d’une innovation et ses conséquences positives en terme d’emploi ; donc tout va bien braves gens, l’innovation apportera le bonheur à tous pour peu qu’on sache attendre et que l’État ne s’en mêle pas

la leçon inaugurale de Philippe Aghion est un peu de la même veine quoique d’un style policé : le professeur est civilisé …

3 idées :

  • la croissance est issue de l’innovation

  • celle-ci est facteur de mobilité sociale (les innovateurs prennent la place de leurs prédécesseurs)

  • les nouvelles innovations rendent les précédentes obsolètes

la deuxième idée explique le renouvellement des têtes que l’on constate tout en haut : Marc Zuckerberg (Facebook) ou Elon Musk (Tesla) n’existaient pas il y a 10 ans et sont maintenant dans le top 100 des plus grosses fortunes ; ils en ont donc fait sortir deux autres, comme l’avaient fait avant eux Steve jobs ou Bill Gates

dire que, pour autant, l’innovation crée de la mobilité sociale est une farce ; certes, elle permet à des innovateurs méritants de devenir immensément riches mais elle ne réduit pas à la ruine leurs prédécesseurs : lorsque l’on sort du top 100, c’est, sauf exception, pour rester dans le petit groupe des super-riches ; elle permet l’émergence de têtes nouvelles – en petit nombre – mais ne change rien à la constitution de l’oligarchie que dénonce Piketty et ne contribue pas à la réduction des inégalités

par ailleurs, Aghion, se référant lui aussi à Schumpeter, affirme – réfutant ainsi le cœur de la thèse de Piketty – que la révolution dans les technologies de l’information assurera une nouvelle phase de croissance, même s’il reconnaît que, pour le moment, on ne le constate pas

on est là dans l’acte de Foi à l’état pur : sera-ce le cas ? peut-être, mais peut-être pas …

et cette hypothétique croissance contribuera-t-elle au bien-être de chacun ? sera-t-elle répartie ? peut-être, mais peut-être pas …

l’article du Monde du 22 mai 2014 : L’innovation high-tech est-elle si productive ? ne partage d’ailleurs pas l’optimisme de Philippe Aghion, tant il affirme que la révolution des technologies de l’information et de la communication – qui a pourtant déjà 50 ans – ne tient pas les promesses de la théorie économique en matière de gains de productivité ou d’activité et que son seul effet visible est un accroissement notable des inégalités

les études récentes du FMI ou de l’OCDE – organisations peu suspectes de gauchisme – s’inquiétant de l’effet des inégalités sur l’activité vont également dans ce sens, sans parler des questions que tout le monde se pose sur la réalité de la croissance aux États-Unis – cf les hésitations de la FED qui ne sait plus quand elle pourra enfin augmenter ses taux d’intérêts

que retenir de tout cela ?

simplifions : s’il est juste de promouvoir l’innovation, Philippe Aghion paraît bien optimiste et Thomas Piketty a sans doute raison de prévoir une croissance plus faible sur le long terme et – par conséquent – l’accroissement des inégalités

on reviendra sur les conséquences et les politiques à suivre dans un papier ultérieur

Daniel Gendrin