… les mots …

texte dit à l’occasion de la clôture du « mois des mots » au Centre Socio-Culturel de l’Olivier à St Priest le 29 octobre 2016

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renouant avec la tradition, nous reprenons notre ancien compagnonnage avec les mots

faisons d’abord mémoire du Jardin des mots : pendant une douzaine d’année, il nous a mis en position d’ouvrir le jardinage de la langue à des générations d’écoliers ; la formule vieillissant, il a fallu en changer et, après un temps de … méditation, nous reprenons le flambeau

nous savons que le mot, véhicule de la relation et support du lien social est au coeur de notre métier : d’habitants à citoyens, ce bout de phrase que nous avons pris comme devise nous engage à contribuer à la prise en charge par les habitants eux-mêmes du quartier, de la ville, de la France ; il nous engage à les convaincre de le faire … dans cela, le mot tient une place essentielle …

mais s’il est le vecteur de l’amour ou de la tendresse, le mot est aussi celui de la haine et il faut bien parler de ceux qui nous les disent

il y a d’abord les vendeurs d’illusions ; adeptes de la théorie du complot ou du repli sur soi, ils ont 2 thèmes favoris : « on vous ment » et « c’est la faute de l’autre » ; l’autre, ce fut le juif ; c’est l’arabe ou le pauvre, l’immigré, le migrant … ceux-là prônent le repli sur soi ; comme le disait leur grand-prêtre : « je préfère mon frère à mon cousin, mon cousin à mon voisin etc… » croyez-les ; c’est bien ce qu’ils pensent ; ils disent avoir changé, mais ce n’est pas vrai ; ce sont les plus dangereux parce que leurs mots peuvent nous convaincre et qu’ils peuvent gagner … et alors, adieu liberté, adieu égalité, et surtout adieu fraternité …

il y a aussi les vendeurs de mort ; prenant appui sur la générosité de nos enfants et leur sens de la justice, ils leur font croire que le seul combat qui vaille est celui du martyre … que ces mots passent par internet n’y change rien : ce sont toujours des mots … et, s’ils sont moins dangereux puisqu’ils conduisent à l’impasse, ces mots-là tuent …

il y en a d’autres … ceux qui, par exemple, cherchent à  nous faire croire que la justice n’est pas de ce monde et qu’il suffit que chacun se batte pour s’en sortir … ce sont les vainqueurs du monde d’aujourd’hui ; au fond, sans eux, les autres n’existeraient pas

le combat que nous menons et qui se dit dans notre devise passe aussi par les mots : nous disons, à temps et à contretemps, que nous devons les uns et les autres nous prendre en charge et compter les uns sur les autres pour que le quartier, la ville, la France, redeviennent ce jardin dans lequel il fait bon cueillir les fleurs de la vie

Daniel Gendrin

… 3 étapes sur un chemin de foi …

La Bible dévoilée d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, archéologues israéliens, Jésus, approche historique de José Antonio Pagola, jésuite espagnol et la Résurrection Mythe ou réalité ? de John Shelby Spong, évêque épiscopalien américain …

3 religions, 3 analyses, un thème commun : qu’y a-t-il d’historique dans la Bible ?

une association chrétienne porte le nom poétique : la Bible n’est pas un conte, mais elle se raconte ; le sujet est bien là : la Bible est-elle un conte, ou une série de contes ?

l’Ancien Testament

qu’Adam et Eve soient les héros d’une légende, personne n’en doute – exception faite des fondamentalistes les plus obstinés, chrétiens, juifs ou musulmans – de même, tout le monde sait – aux mêmes exceptions près – que la Terre n’a pas été faite en 7 jours – ou six si l’on ne compte que le temps de travail

… soit dit en passant, les obstinés, cela fait beaucoup de monde, tant l’intégrisme fait des ravages un peu partout …

au delà du Livre de la Genèse, l’archéologie remet en cause – entre autres – l’Exode du peuple hébreu à travers le Sinaï, l’existence de murailles autour de Jericho au temps de Josue – vous savez bien, l’histoire des trompettes – et celle d’un grand Temple à l’époque de Salomon …

l’Ancien Testament, pour être l’histoire du peuple hébreu, n’est pas un récit historique

pour un catholique, cela ne pose pas vraiment problème : après tout, que l’Histoire Sainte apprise à l’école soit essentiellement symbolique, cela ne nous empêche pas de dormir

le Nouveau Testament

le Nouveau Testament nous pose un autre problème : comme les musulmans pour le Coran, nous avons appris que tout ce qui y est écrit est « parole d’évangile » ; poser la question de l’historicité des faits décrits peut paraître sacrilège

un indice pourtant : l’Eglise, dans sa grande sagesse, a retenu – dans une production bien plus importante –  27 livres – dont 4 récits de la vie de Jésus – pour fonder la nouvelle foi ; ces livres n’étant pas exempts de contradictions, la vie de Jésus est, en réalité, mal connue

Pagola, appliquant les méthodes des historiens, distingue dans les Evangiles ce qui relève de l’histoire de ce qui relève du mythe ou de la construction théologique

son livre a fait l’objet ici d’une note de lecture le 11 février 2014 ; je n’y reviens pas en détail ; il a été pour moi l’occasion d’une lecture d’une richesse exceptionnelle

toujours est-il que le principe même de ce livre – souligner ce qui dans les textes du Nouveau Testament ne peut être prouvé historiquement, voire ce qui est en contradiction avec des données historiques – ouvre la voie à une lecture distanciée – non littérale – de ces textes

Spong et la résurrection

la démarche de Spong, centrée sur la résurrection et qui s’appuie sur les textes canoniques, va plus loin

rappelons que les disciples de Jésus, quelques semaines après sa mort, sortent de leur silence et l’annoncent vivant ; ils fondent une communauté sur cette affirmation, basent leur vie sur elle et, pour la plupart, en meurent ; cela, c’est de l’Histoire

l’auteur relève qu’un seul témoin direct – une personne qui dit « je l’ai vu vivant » -, Paul,  rapporte l’évènement

les autres textes sont écrits plusieurs dizaines d’années après la mort du Christ au coeur d’une communauté qui cherche comment décrire l’incroyable : il s’agit de dire que des gens qu’on a connus – eux-mêmes morts depuis – ont dit que Jésus, qui a été crucifié et qui en est mort, a été vu par eux vivant après son ensevelissement

Spong nous dit que ces juifs ont, pour décrire l’incroyable, usé d’un genre littéraire, le midrash, que l’on trouve encore dans la littérature juive d’aujourd’hui – par exemple, dans Les Disparus de Daniel Mendelshon ou dans Judas et Jésus, une liaison dangereuse d’Armand Abécassis

il nous dit que la aggada – l’une des trois formes du midrash – est le moyen d’« interpréter une histoire ou un évènement en le mettant en relation avec une autre histoire ou un autre évènement de l’Histoire sainte (p 24)»

le Nouveau Testament est pour lui un recueil de midrash qui racontent tous la même histoire, celle de Jésus, et cherchent à l’éclairer et à en donner le sens

dès lors, que ces textes soient souvent contradictoires importe peu puisqu’ils n’ont pas vocation à décrire les faits

je n’ai pas la place ici d’entrer dans le détail ; Spong décortique tous les textes de la résurrection

selon l’auteur – je simplifie – ce qui a été écrit par des juifs et selon une logique juive a été lu essentiellement par des grecs ; ceux-ci, ignorant la nature symbolique du texte, en ont fait – dès le deuxième siècle – une lecture littérale qui conduira au credo du Concile de Nicée ; nous baignons dans la théologie qui en est issue

celle-ci entre – au fur et à mesure que se découvrent les lois de l’univers – en conflit avec les connaissances scientifiques et rend le message incompréhensible et la foi chrétienne obsolète pour la plupart de ceux de nos contemporains qui ont accès aux données de la science

que reste-il ?

que reste-il, après tous ces travaux de déconstruction ? si L’Ancien et le Nouveau Testament sont des recueils de légendes, le message des Evangiles n’est-il qu’une mythologie de plus, plus sophistiquée que celle des grecs anciens mais tout aussi dépassable ?

d’abord, il reste l’Histoire :

elle nous dit les peuples qui cherchent depuis la nuit des temps à éclairer les mystères de la vie et qui, à mesure que la science répond aux questions, restent devant l’inconnu

elle nous dit l’aventure singulière du peuple hébreu qui se découvre et célèbre – encore aujourd’hui – un Dieu unique avec lequel entrer en relation

elle nous dit l’irruption dans ce peuple de Jésus qui, prolongeant cette tradition, le libère du carcan des coutumes et résume les commandements dans celui de l’amour ; il mourra de son succès

elle nous dit la bande des disciples terrorisés, fuyant la répression et qui, un jour, se redressent et affirment devant tous qu’ils l’ont revu vivant

elle nous dit aussi ces disciples transformant le monde de leur temps par la force de leur conviction – souvent jusqu’au martyre – et la puissance du message ; ce n’est qu’ensuite, après Constantin, que l’Eglise deviendra la puissance que l’on sait et imposera le message par la force

elle nous dit enfin et malgré tout le message de l’amour transmis à travers les âges par cette Eglise infiniment pécheresse

tout cela c’est de l’Histoire

ensuite, il reste le choix

l’Histoire nous dit que les disciples ont affirmé Jésus vivant

elle nous dit aussi qu’ils ont consacré leur vie – et, pour la plupart, leur mort – à cette annonce

le choix, c’est celui de leur faire confiance – ou pas

le choix c’est donc de croire que, si les textes ne disent pas ce qui s’est passé comme un historien le ferait, ils rendent compte de la réalité

enfin, il reste l’expérience

l’expérience de ceux qui – n’ayant pourtant pas vu Jésus ressuscité – se trouvent bien à suivre Jésus dans le silence de Dieu

choisir de lire les textes d’une manière non littérale – et choisir de les lire quand même au jour le jour – c’est le contraire de l’apostasie, c’est une libération

Daniel Gendrin