… huit grands principes pour guider l’économie mondiale …

4 anciens responsables de la Banque Mondiale viennent de commettre un texte (Le Monde daté du 23 février) dont je ne résiste pas à vous citer les principaux passages … un vrai délice …

après une courte introduction pour rappeler en particulier que : « le vote pour le Brexit et l’élection de Donald Trump ont révélé l’insatisfaction des citoyens des pays développés face à la mondialisation », ils font une liste des 8 principes qui devraient guider l’économie mondiale

je leur laisse la parole

« Premièrement, la croissance du PIB doit être considérée comme un moyen, et non une fin.

Si la croissance importe, c’est parce qu’elle fournit les ressources nécessaires au bien-être humain : l’emploi, la consommation durable, le logement, la santé, l’éducation et la sécurité.

Deuxièmement, la politique économique doit viser le développement inclusif. Plutôt que d’attendre que la vague du développement bénéficie à tous, les décideurs doivent s’assurer qu’aucun groupe ne soit laissé pour compte. Ils doivent s’attaquer de front au chômage et à l’accès … aux soins de santé ou à l’éducation …

Troisièmement, la durabilité de l’environnement n’est pas une option … 

Quatrièmement, il doit exister un équilibre entre le marché, l’Etat et la communauté. Les marchés ont besoin d’une réglementation pour allouer les ressources avec efficacité, … L’Etat est indispensable à l’efficacité de la réglementation. Les institutions de la société civile, elles, sont essentielles pour que l’Etat fonctionne efficacement et équitablement.

Cinquièmement, l’équilibre budgétaire a été fétichisé. Il faut considérer le solde budgétaire et le solde extérieur comme des contraintes à moyen terme … L’essentiel est de s’assurer que dette publique et pressions inflationnistes soient bien gérées pendant les périodes fastes.

Sixièmement, les avancées technologiques … ont … augmenté la part du capital dans le revenu, et, par conséquent, accru les inégalités. Ce qui est … un problème « main-d’œuvre contre capital » a … été décrit comme un problème « main-d’œuvre contre main-d’œuvre » … ce qui contribue au protectionnisme. Il est plutôt nécessaire d’améliorer la redistribution et l’égalité des revenus, notamment en renforçant le pouvoir de négociation des travailleurs.

Septièmement, les normes sociales et les valeurs ont une incidence sur la performance économique … Les normes sociales peuvent aider à lutter contre la corruption et encourager les pratiques équitables. Société ­civile et gouvernements doivent porter ces valeurs.

Huitièmement, la communauté ­internationale a un rôle important à jouer … les politiques nationales des uns créent des effets sur les options politiques des autres … Seules les institutions internationales peuvent gérer les ­externalités créées par ces politiques …

Les vieux modes de pensée économique, qui ont produit tant de difficultés économiques, devraient cesser d’exister. L’expérience passée et les progrès de la pensée économique nous fournissent une mine d’informations sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cette connaissance doit être au cœur de la nouvelle approche de développement dont le monde a besoin.

voilà un texte qui résume – bien mieux que je ne le fais – tout ce que je m’efforce de dire en matière économique depuis 4 ans

NB : le point 5 ne justifie pas les dérapages permanents de l’équilibre budgétaire de certains pays …

Daniel Gendrin

… Benoît, Emmanuel, François, Jean-Luc, Marine et les autres …

je ne parlerai pas des autres : Alexandre Jardin, Charlotte Marchandise ou Pierre Larrouturou posent des vraies questions et peuvent créer la surprise mais je ne voterai pas pour eux

pour le reste, la campagne vaut le coup : on a – en matière économique – toutes les solutions ; je reviendrai sur chacune d’elles ; on ne trouvera ici qu’une synthèse très simplifiée ; autant dire qu’on travaille à l’envers : d’abord la conclusion puis le développement ; ça permettra à ceux de mes lecteurs qui n’ont pas le temps de se contenter de la conclusion

pour Jean-Luc, le monde est simple ; s’appuyant sur une interprétation simpliste de Keynes, il relance la planche à billets pour rétablir la croissance et l’inflation et réduire la dette ; au besoin on ne rembourse pas ce qu’on doit et si les autres ne sont pas contents, on quitte l’Union Européenne …

Benoît ouvre un débat utile : le monde à venir va-t-il voir disparaître à la fois la croissance et l’essentiel de l’emploi ? si oui, comment déconnecter emploi et revenu ? pour le reste, ses solutions sont celles de Jean-Luc : relancer la croissance – bonjour la contradiction – et tout ira bien

prétendre relancer par la dette – alors que la France est shootée au déficit depuis plus de 40 ans -, c’est se heurter au Mur de l’Argent, celui qui fit chuter le Cartel des Gauches en 1926 ; ça ne durerait pas 6 mois ; lorsque Hollande est arrivé au pouvoir, il a voulu renégocier avec Merkel le pacte de stabilité : ça n’a pas duré une semaine …

par ailleurs, pour Benoît comme pour Jean-Luc, la rentabilité et la compétitivité des entreprises n’est pas un enjeu ; ils se trompent évidemment

je ne voterai pas pour eux

en attendant le développement particulier que mérite Marine, on peut se reporter au papier que j’ai publié sur Trump : c’est exactement la même politique : la solution par le repli sur soi ; ça ne marchera pas et le risque pour la démocratie est immense …

je ne voterai pas pour elle

François veut – il le dit – casser la baraque ; son idole, c’est Thatcher ; il prétend qu’elle a sauvé la Grande-Bretagne ; mais – on le voit bien maintenant – sa politique a conduit le monde à l’envol des inégalités, à l’étouffement de la croissance et à un développement écologiquement destructeur ; c’est la – mauvaise – solution du passé

je ne voterai pas pour lui

reste Emmanuel ; le choix par défaut ? plutôt non, même si, peu connu, il peut nous surprendre

il a pour lui de vouloir – comme François – faciliter la vie des entreprises, faire des économies et tenir le déficit mais – contrairement à François – sans déifier les solutions de l’école de Chicago, celles qu’on nous impose depuis 45 ans et dont celui-ci se fait le chantre

par ailleurs c’est le seul de la bande pour lequel l’Europe n’est pas le problème mais la solution, ce que je partage, évidemment …

il est probable que je voterai pour lui

Daniel Gendrin

… l’élection de Trump, une opportunité ? …

Dieu sait que je ne me réjouis pas de l’accession de Trump au pouvoir ; ni en soi, ni en ce qu’elle montre – à nouveau – d’exaspération des peuples

mais cette élection ouvre deux perspectives : elle donne à l’Europe une raison de se ressaisir et peut ouvrir les yeux des Français

d’abord, elle doit – puisque Trump prétend alléger la contribution américaine à l’OTAN – conduire l’Europe a assumer elle-même sa défense et amener les peuples de l’Est Européen à réfléchir à la leur : faire la nique à l’Europe est facile, rentrer dans le glacis Russe serait moins drôle … maintenant que Poutine reprend son offensive en Ukraine …

mais cette élection est aussi l’occasion de vérifier – s’il parvient à les appliquer – la validité de ses options économiques ; comme ce sont celles que promeut le FN chez nous, c’est intéressant

fermeture des frontières, protectionnisme, promotion des énergies fossiles, poursuite de la baisse des impôts des riches, détricotage de la régulation bancaire, investissements publics massifs … le maître mot, c’est l’emploi par la croissance et la théorie du ruissellement …

je vais évidemment simplifier mais, si tout se discute, je peux argumenter chaque point

fermeture des frontières :

fermer le robinet de l’immigration, c’est accepter le vieillissement – et la diminution – de la population et nuire à la croissance par la baisse de la consommation et le renchérissement de la main d’oeuvre ; le Japon vieillissant et fermé montre l’exemple …

protectionnisme :

3 points, entre de multiples autres :

  • lorsqu’en 2008, les dirigeants unanimes du G20 ont refusé la solution du chacun pour soi – laquelle avait conduit le monde à l’horreur que l’on sait dans les années 40 – tous les spécialistes ont loué leur sagesse ; je les ai crus …
  • avec ses gros sabots, Trump a fait perdre 35 % à la valeur du peso mexicain ; ça ne va pas nuire aux exportations mexicaines … mais l’emploi aux USA en souffrira
  • après la dénonciation de l’accord transpacifique, la Chine se retrouve l’acteur majeur de la zone … quel est le gain pour les USA ? …

promotion des énergies fossiles :

outre les dégâts que cela causera au monde, les investissements américains seront détournés des solutions d’avenir ; seuls les Européens et les asiatiques les maîtriseront ; dommage pour les emplois américains …

baisser les impôts des riches :

on voit mal comment cela ferait augmenter la consommation ; quant à l’investissement, les entrepreneurs américains ne semblent pas avoir de peine à trouver l’argent qu’il faut lorsqu’il y a un marché et une technologie pour y répondre ; leur banque centrale y veille

par ailleurs l’OCDE et le FMI découvrent ces temps-ci que l’envol des inégalités nuit à la croissance …

détricotage de la régulation bancaire

lorsqu’on sait qu’au sein de l’oligopole des 29 banques systémiques, les plus grosses sont américaines, et que les Américains appliquent leurs lois à toutes les banques qui opèrent en dollar, détricoter aux Etats-Unis aura une influence directe sur le système bancaire mondial

nous sommes déjà sur un volcan, tant il est vrai que seule une partie de ce qu’il fallait faire en terme de régulation bancaire est réalisée – plus d’ailleurs aux Etats-Unis qu’en Europe – si le Congrès laisse Trump faire ce qu’il veut, la prochaine crise qui était possible devient probable

compte tenu de l’endettement des Etats, on voit mal comment on s’en sortira cette fois-ci

investissements publics massifs :

j’y reviendrai plus tard tant c’est à la mode ; je n’y crois pas une seconde ; avec le vieillissement et la baisse de la population et l’effet de l’accroissement des inégalités, la croissance ne repartira pas et le déficit et la dette exploseront ; avec exactement cette politique d’investissements massifs, le Japon en est à plus de 200 % du PIB de dette et … pas de croissance … depuis 20 ans …

en bref, mon avis est que cette politique – si les républicains laissent faire – ruinera les Etats-Unis

je n’ai pas la place ici de traiter des différences, mais, avec un projet économique très proche, le FN ferait pire en France parce que la taille des marchés intérieurs n’est pas comparable ; les conséquences seraient plus fortes et beaucoup plus rapides en France

… la chance que les Français peuvent saisir tient au fait que les Américains ont fait le pas vers l’absurde avant nous : soit ils se laisseront convaincre que Trump conduit les USA à la ruine – et ils ne voteront pas Le Pen – soit ils se diront que, puisque les Américains l’ont fait, on peut le faire et ce sera l’aventure …

… les seuls qu’il faut convaincre sont ceux qui, parmi nos amis, sont tentés de voter Le Pen et qui hésitent …

Daniel Gendrin

PS : je ne sais pas si Trump respectera la démocratie, mais je suis bien persuadé que le FN nous conduirait dans le mur et que ce serait un mur dictatorial

… j’avais d’abord écrit cette dernière phrase au futur et pas au conditionnel …