… Benoît …

tout pour plaire … ou presque …

c’est celui qui pose les bonnes questions pour demain et propose des solutions foireuses pour aujourd’hui

les bonnes questions :

  • la croissance va-t-elle revenir ?
  • le travail va-t-il partiellement disparaître ?

si la croissance ne revient pas et si le travail fond comme peau de chagrin, le revenu universel et la réduction du temps de travail ont évidemment du sens

selon Schumpeter, les nouveautés technologiques commencent par détruire de l’emploi avant d’en créer plus – l’exemple type est celui du métier Jacquard – ; le problème, c’est qu’à l’échelle historique, on a peu d’expériences : la révolution industrielle est récente ; rien ne prouve que la règle est d’application générale et que les technologies de l’information auront sur l’emploi les mêmes conséquences que la vapeur ou l’électricité en leur temps

donc Benoît a raison de poser la question de savoir ce qu’on fera si la croissance – ce que je crois – se stabilise dans les pays développés à 1 – 1,5% et si les gains de productivité se traduisent tout simplement par de la destruction d’emploi

mais que faut-il faire aujourd’hui ?

augmenter le coût du travail en réduisant sa durée ou par l’augmentation des dépenses publiques – par exemple, en distribuant un revenu universel -, c’est laisser les Belges ou les Italiens tailler des croupières à nos entreprises … il semble qu’il faille décidément toujours le répéter : sans rentabilité des entreprises privées – y compris coopératives ou mutuelles – il n’y a pas d’emploi

envisager de ne pas rembourser les emprunts est irresponsable : il est aussi inimaginable de demander aux Allemands de payer les dettes des Français qu’à ceux-ci de payer celles des Grecs ; quant à tout mutualiser, pourquoi pas ? lorsque les Français arrêteront durablement de dépenser plus qu’ils ne gagnent, les Allemands accepteront peut-être de le faire ; l’équilibre des comptes de chacun précède la solidarité de tous, c’est une évidence

c’est quand même un paradoxe que ceux qui veulent « en finir avec l’austérité » pour demain demandent la solidarité des autres Européens pour les dettes d’hier … sacré Piketty ! … tout cela n’est pas sérieux

je ne voterai pas Benoît

Daniel Gendrin

… François …

il n’est pas le seul à être de la caste des puissants ou le premier à méconnaître le coût de la vie

les élus mènent une vie extrêmement prenante, qui les oblige du matin au soir, tous les jours de la semaine, ainsi – le plus souvent – que leurs conjoints

lorsqu’ils comparent leur rémunération à celles des patrons, ils mesurent le gap ; alors, comme ils fixent les règles du jeu, ils se laissent la possibilité, si l’on n’est pas trop regardant, à des accommodements pour arrondir les fins de mois

certains se le permettent, les autres – la majorité – non ; François le fait

mais depuis l’affaire Cahuzac existe en France un parquet financier qui se moque des échéances et vérifie si les usages des élus sont conformes à la Loi … et l’on découvre des pratiques d’arrière-cour que nous autres, pauvres naïfs, ne soupçonnions pas …

l’autre François aura eu le grand mérite d’avoir rendu un peu d’indépendance à la justice

dommage : il manque à l’élection présidentielle une partie pourtant utile du débat :

Thatcher a redonné de l’air à une Grande-Bretagne engoncée dans un carcan social qui l’immobilisait dans un monde en mouvement, c’est un fait historique

François considère que la France est dans la situation de la Grande-Bretagne de Wilson et veut  lui appliquer le remède de cheval que son égérie a appliqué à son pays (« je veux casser la baraque »)

je ne conteste pas le but : le système social français est trop rigide et nos entreprises doivent opérer dans des conditions comparables à celles de leurs consoeurs des pays voisins

mais faire de Thatcher le parangon de ce qu’il faut faire, elle qui partage avec Reagan la sinistre gloire d’avoir projeté notre monde vers des inégalités – de revenu, de patrimoine, de pouvoir – inconnues depuis la Guerre, c’est faire preuve d’un aveuglement irresponsable pour qui prétend porter une vision de l’avenir de la France

François aurait-il eu une honnêteté moins approximative, je n’aurais pas voté pour lui

Daniel Gendrin

… Marine …

dans le triptyque liberté, égalité, fraternité – qui sert de devise à notre bien-aimée République – le mot clef est évidemment fraternité : sans lui, rien ne fonctionne : prise isolément, l’égalité conduit au totalitarisme – les communistes en ont donné la preuve en URSS, en Chine, à Cuba, à Phnom-Pen, partout – et toute seule la liberté conduit – nous en voyons les prémices en monde Anglo-Saxon – à un accroissement des inégalités tel que, là encore, seule la puissance de la police pourra maintenir la cohérence de la société

la liberté permet la vie et l’égalité la cohérence ; ce qui tient le tout, c’est la fraternité

je ne suis pas philosophe, je vais donc peut-être dire des sottises ; toujours est-il que c’est, des 3, le mot qui me paraît le moins définissable ; ce n’est pas la solidarité – qui est orientée – mais ce n’est pas non plus l’amour – on n’est pas sensé aimer tout le monde …

j’ai la chance d’avoir été élevé dans une famille nombreuse

parmi mes frères et soeurs – ne cherchez par à savoir qui est qui, j’adapte pour les besoins de la cause – il y a des filles et des garçons, des riches et des pas riches, des plus ou moins bavards, des cathos de beaucoup de sortes y compris les pas cathos du tout, des « de gauche » et des « de droite », etc … bref, la famille nombreuse, c’est l’école de la différence

et si l’on peut préférer discuter avec Jean qu’avec Paul – il arrive même que le silence soit la seule communication possible par moments ou sur certains sujets – ou aimer passer une semaine de vacances avec le couple Julie plutôt qu’avec la famille Jules, en fraternité, on ne préfère pas celui-ci à celui-là ; c’est la diversité de la famille qui en fait la richesse

refuser l’autre dans sa différence, c’est nier la fraternité

vivre en fraternité, en famille comme en société, c’est agréger des gens différents, qui ne se sont pas choisis et vivent une expérience commune dans la durée – en principe, tout au long de la vie

la fraternité fait le lien de notre devise – en laquelle se trouve cette Identité Française que d’aucuns cherchent je ne sais où – ; par elle, on reconnaît à chacune des personnes du groupe une égale dignité et la liberté d’être ce qu’elle est

c’est elle qui nous distingue et nous rend fiers de la France

voilà pourquoi il me sera impossible de voter pour Marine : fondant son programme sur le refus de reconnaître l’autre – fût-il Français – dans sa différence, elle ignore la fraternité et renie la devise de la France

Daniel Gendrin

… lettre à nos petits-enfants de JM Keynes … 

 

je n’ai pas lu Keynes ; c’est une tare, à l’heure où Jean-Luc Mélenchon, Thomas Piketty et même Joseph Stiglitz en font le parangon de ce qu’il faut faire en matière de relance, au prix de la dette

moi – qui n’ai pas lu Keynes et qui ne suis pas économiste – je pense que c’est une sottise et que, sans doute, on lui fait dire des choses qu’il n’aurait jamais dites

cela dit, j’ai – enfin – acheté un bouquin de l’auteur-culte et comme je suis un peu flemmard, je l’ai acheté le plus petit possible : 55 pages dont 28 de préface … 1 heure de lecture …

pas de chance, ça ne parle pas de cette politique que l’on prétend Keynésienne ! … je devrai récidiver sur des choses plus épaisses …

mais c’est un petit bijou : cette lettre à nos petits-enfants peut servir de livre de chevet à tous ceux qui ne sont pas à genoux devant le monde tel qu’il va …

Keynes pense – et dit – que le monde aura résolu son problème économique – la « lutte pour la subsistance » – sous 100 ans – il écrit en 1930 – : les « besoins absolus » de l’homme seront satisfaits et le travail servira avant tout à assurer à l’homme la satisfaction de travailler

quelques mots de sa conclusion :

« quatre facteurs détermineront le rythme de notre avancée jusqu’au bonheur économique … : notre aptitude à réguler la croissance démographique ; notre détermination à éviter les guerres et les conflits intérieurs, notre volonté de confier à la science la direction de ce qui relève de la science et le taux d’accumulation (la marge séparant notre production de notre consommation) – ce dernier facteur se règlera de lui-même si les trois premiers sont assurés »

Keynes prévoit donc qu’en 2030, l’homme sera débarrassé du souci du quotidien

dans les pays Européens – et même pour la plupart de ceux qu’on appelle les exclus – c’est déjà vrai : logement, nourriture, vêtement, santé, éducation … les besoins essentiels sont satisfaits – je mesure combien, ce disant, je peux scandaliser … c’est pourtant la vérité

par ailleurs, les 4 facteurs qu’il relève sont avérés, y compris le dernier puisque la croissance, hors pays émergents, se stabilise à un niveau faible

3 points peuvent se discuter ou restent en question :

  • il n’a pas imaginé l’explosion des besoins dans la société de consommation
  • il prévoit qu’en 2030 on travaillera 15 heures par semaine
  • enfin l’affirmation selon laquelle  « avec un peu plus d’expérience, … , nous utiliserons l’abondance nouvelle tout autrement que le font les riches aujourd’hui, et notre projet de vie sera très différent du leur » … peut sembler surréaliste

où en serons-nous en 2030 ?

  • la « sobriété heureuse » de Pierre Rhabi réduira-t-elle la boulimie de consommation ? si l’on en croit les projets de la grande distribution, on va dans ce sens …
  • la poursuite de la mécanisation se traduira, de fait, par une réduction du temps de travail ; se fera-t-elle à travers l’exclusion – éventuellement rémunérée – de plus en plus de personnes ou par une autre répartition du travail ? c’est en tous cas l’un des thèmes de la présidentielle …
  • le dernier point est plus problématique : sommes-nous guérissables du désir de toujours plus ? en voyant vivre les jeunes générations, ce n’est pas impossible …

ce petit livre, incroyablement moderne, mérite d’être lu : Keynes est peut-être bien un prophète

Daniel Gendrin

… regards de femmes …

le texte ci-dessous est celui qui a été dit ce mercredi 8 mars au Centre Social de l’Olivier à l’occasion de la clôture de l’action regards de femmes que nous avons menée du 8 mars 2016 au 8 mars 2017

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ah ! le regard des femmes quand il se pose … sur un homme ! drôle d’idée d’ailleurs de confier à un homme le soin de clôturer une action intitulée … regards de femmes

mais bon … on n’est pas là pour s’amuser …

si l’Olivier a choisi de se mettre à l’écoute des femmes de nos quartiers pendant une année c’est parce que, de fait, tout passe par les femmes dans la vie quotidienne : les enfants, les courses, les repas, le ménage, l’entretien, et souvent aussi le travail à l’extérieur de la maison

se mettre à l’écoute des femmes, c’est se mettre à l’écoute du quartier

vous avez d’ailleurs été nombreuses à répondre à l’appel des jeunes femmes professionnelles ou bénévoles qui ont porté cette action ; on vous retrouve sur les panneaux de l’exposition qui en rend compte ; parcourez-la, faites-vous expliquer les actions vous verrez … tout cela a du sens

mais je voudrais dire aussi quelques mots de généralités, tant il est vrai que les avancées – juridiques plus encore que culturelles – que la femme a conquis depuis un siècle paraissent fragiles et pourraient être remises en cause

pendant des siècles la femme a été au service … de l’homme d’abord, de la famille ensuite, du groupe parfois ; objet de plaisir, vitrine de la prospérité familiale, travailleuse au foyer, et – pour les classes populaires, que ce soit à la ferme ou à l’usine – également travailleuse au dehors … la femme a été au service

lorsque ma mère est entrée à l’Agro elle était la première à le faire ; ma belle-mère a passé son permis de conduire dès ses 18 ans … c’étaient des exceptions … mais aucune des deux n’avait le droit de travailler sans l’accord de son conjoint, la capacité juridique de signer un contrat, le droit de vote ou l’usage d’un carnet de chèque

ma grand mère ne serait pas sortie dans la rue sans chapeau ou … sans un foulard

on mesure le chemin parcouru

la vraie révolution, ç’a été la contraception – le pouvoir pour une femme d’être – de fait – maître du nombre enfants qu’elle accepte de mettre au monde, a changé fondamentalement les relations de pouvoir dans le couple et la composition de la famille, le travail de la femme etc …

si la situation a très profondément changé, on n’est pas au bout puisque la femme fait encore la plus grande partie du travail à la maison, que les métiers auxquels elle a accès sont en général moins gratifiants et que lorsqu’elle fait le même métier qu’un homme, elle est souvent moins payée

avancer dans ce domaine dépend à mon avis de deux facteurs :

le premier est l’engagement des jeunes hommes à assumer une part significative des travaux familiaux – attention aux enfants, ménage etc… sans cet engagement, pas d’évolution …

par ailleurs, la collectivité doit assumer le fait que les femmes jouent un rôle d’intérêt public lorsqu’elles mettent au monde des enfants … la carrière des femmes ne doit pas pâtir des absences pour maternité ou congé parental ; cela passe par les entreprises et probablement aussi par la loi

l’évolution vers un monde plus équilibré est avant tout culturelle

or – et j’en finis là dessus – il y a des forces de rappel et elles ne sont pas que religieuses

bien sûr, tous les intégrismes veulent voir la femme rentrer à la maison pour ne plus en sortir ; il y a encore des gens – hommes et femmes – pour croire que la femme est au service de l’homme

mais il y a aussi des discours politiques pour défendre l’ordre ancien et des nostalgiques du passé ; de proche en proche un retour en arrière en appelle un autre et la femme pourrait bien en être la première victime

en démocratie, nous choisissons les gens qui nous dirigent ; préférons ceux qui regardent devant à ceux qui prônent l’enfermement dans les solutions du passé

revenons à l’Olivier : un an de travail et ce n’est pas fini : nous prenons l’engagement de rester dans le quartier un lieu culturel où la parole de la femme pèse le même poids et bénéficie de la même considération que celle de l’homme

c’est ainsi que nous contribuerons à bâtir un quartier plus harmonieux pour les femmes … et pour les hommes … qui l’habitent

Daniel Gendrin