je n’ai pas lu Keynes ; c’est une tare, à l’heure où Jean-Luc Mélenchon, Thomas Piketty et même Joseph Stiglitz en font le parangon de ce qu’il faut faire en matière de relance, au prix de la dette
moi – qui n’ai pas lu Keynes et qui ne suis pas économiste – je pense que c’est une sottise et que, sans doute, on lui fait dire des choses qu’il n’aurait jamais dites
cela dit, j’ai – enfin – acheté un bouquin de l’auteur-culte et comme je suis un peu flemmard, je l’ai acheté le plus petit possible : 55 pages dont 28 de préface … 1 heure de lecture …
pas de chance, ça ne parle pas de cette politique que l’on prétend Keynésienne ! … je devrai récidiver sur des choses plus épaisses …
mais c’est un petit bijou : cette lettre à nos petits-enfants peut servir de livre de chevet à tous ceux qui ne sont pas à genoux devant le monde tel qu’il va …
Keynes pense – et dit – que le monde aura résolu son problème économique – la « lutte pour la subsistance » – sous 100 ans – il écrit en 1930 – : les « besoins absolus » de l’homme seront satisfaits et le travail servira avant tout à assurer à l’homme la satisfaction de travailler
quelques mots de sa conclusion :
« quatre facteurs détermineront le rythme de notre avancée jusqu’au bonheur économique … : notre aptitude à réguler la croissance démographique ; notre détermination à éviter les guerres et les conflits intérieurs, notre volonté de confier à la science la direction de ce qui relève de la science et le taux d’accumulation (la marge séparant notre production de notre consommation) – ce dernier facteur se règlera de lui-même si les trois premiers sont assurés »
Keynes prévoit donc qu’en 2030, l’homme sera débarrassé du souci du quotidien
dans les pays Européens – et même pour la plupart de ceux qu’on appelle les exclus – c’est déjà vrai : logement, nourriture, vêtement, santé, éducation … les besoins essentiels sont satisfaits – je mesure combien, ce disant, je peux scandaliser … c’est pourtant la vérité
par ailleurs, les 4 facteurs qu’il relève sont avérés, y compris le dernier puisque la croissance, hors pays émergents, se stabilise à un niveau faible
3 points peuvent se discuter ou restent en question :
- il n’a pas imaginé l’explosion des besoins dans la société de consommation
- il prévoit qu’en 2030 on travaillera 15 heures par semaine
- enfin l’affirmation selon laquelle « avec un peu plus d’expérience, … , nous utiliserons l’abondance nouvelle tout autrement que le font les riches aujourd’hui, et notre projet de vie sera très différent du leur » … peut sembler surréaliste
où en serons-nous en 2030 ?
- la « sobriété heureuse » de Pierre Rhabi réduira-t-elle la boulimie de consommation ? si l’on en croit les projets de la grande distribution, on va dans ce sens …
- la poursuite de la mécanisation se traduira, de fait, par une réduction du temps de travail ; se fera-t-elle à travers l’exclusion – éventuellement rémunérée – de plus en plus de personnes ou par une autre répartition du travail ? c’est en tous cas l’un des thèmes de la présidentielle …
- le dernier point est plus problématique : sommes-nous guérissables du désir de toujours plus ? en voyant vivre les jeunes générations, ce n’est pas impossible …
ce petit livre, incroyablement moderne, mérite d’être lu : Keynes est peut-être bien un prophète
Daniel Gendrin
Sauf qu’il faudrait peut-être apprendre à raisonner sur la base d’une absence de croissance, et là, il faut peut-être aller chercher d’autres anticipations : http://www.slate.fr/story/98769/romans-envisagent-vie-sans-croissance
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