le livre – assez savant, parfois abscons – de Louis Chauvel, sociologue et universitaire, défend la thèse selon laquelle les classes moyennes inférieures, après les classes populaires, sont victimes d’une spirale du déclassement
pernicieux en soi – dans un monde riche et dont l’enrichissement se poursuit -, ce phénomène conduit, au sein de ces groupes de personnes, à une frustration d’autant plus dangereuse qu’elle finit par concerner – pour le moment – près de la moitié de la population
l’auteur souligne que le coefficient de GINI – l’indice composite qui permet la comparaison internationale des inégalités et sert à en mesurer les évolutions -, ne montrant pas d’augmentation significative des inégalités en France, ne rend pas compte de cette spirale ; Thomas Piketty, dans Le capitalisme au XXI ème siècle, ne dit pas autre chose
ses constats ? prenons-en 4 :
les inégalités de revenu – accentuées par les revenus du patrimoine -, qui avaient diminué dans les années de croissance rapide, repartent maintenant à la hausse, reconstituant la verticale du pouvoir
rien ne dit que vos enfants auront une carrière plus brillante que la vôtre : les places à votre niveau – quel qu’il soit – sont plus chères qu’autrefois et les candidats plus nombreux ; déclassement générationnel
pour la même fonction, le diplôme exigé est celui du dessus : il faut bac + 5 pour être instituteur quand le BEPC ouvrait, sur concours, à l’Ecole Normale ; déclassement du diplôme
augmentation du rapport prix de l’immobilier sur revenu oblige, tel qui autrefois prétendait au centre ville se retrouve en banlieue et celui qui aurait habité Neuilly se contente du XIVème – et plus dans 80, mais dans 60 m2 – ; déclassement immobilier
ces constats, chacun peut les faire ; l’auteur s’appuie sur des études fort savantes ; s’il est assez convaincant, il est moins précis quant aux solutions : il en appelle à « libérer la nouveauté, laisser l’invention fleurir, promouvoir le mouvement et l’invention de la jeunesse … découvrir de nouveaux territoires … »
pour ma part, je crois, comme Piketty – ce qu’a dit Benoît Hamon dans sa campagne – , que la croissance restera faible et qu’il ne faut pas chercher l’avenir dans un retour mythique à l’âge d’or des 30 Glorieuses
il faudra bien, tout en revenant – probablement par des mesures fiscales au niveau mondial ou at least européen – à une répartition plus équitable du revenu, apprendre à vivre sans frustration dans un monde où l’emploi s’enrichit en savoir, où la carrière n’est plus la principale raison de vivre et la consommation l’horizon indépassable … c’est du Pierre Rhabi …
belle révolution culturelle !
Daniel Gendrin