nous avons vu, dans les dossiers précédents consacrés aux inégalités, qu’en Europe elles étaient moins prégnantes qu’aux Etats-Unis et que les disparités salariales étaient en France – hors cadres dirigeants (Directeurs Généraux, PDG etc …) – de l’ordre de 1 à 5 voire 1 à 7 avant réduction par l’impôt et les aides sociales
on pourrait considérer que, tous comptes faits, ce n’est pas extravagant et qu’il suffit de traiter les cas marginaux des salaires démesurés
ce n’est pas si simple
d’abord à cause de l’effet cumulatif : même des disparités relativement peu importantes conduisent en quelques décennies à des inégalités de patrimoine très importantes et, en conséquence, à l’accroissement de celles des revenus ; apparaît peu à peu une dangereuse oligarchie
ensuite parce que les inégalités s’accroissent, même en Europe ; une étude du World Inequality Lab, parue ces jours-ci dans Le Monde le montre clairement
enfin, dans les articles précédents, je n’ai pris en compte que les salaires des personnes ayant un emploi à temps plein ce qui ne traite qu’une partie du problème
bref, parce que, en régime capitaliste – et on n’en connaît pas d’autre – elles ont une tendance naturelle, mécanique, normale, à s’accroître, il faut agir en permanence pour contenir les inégalités
c’est ce qui se fait encore – de moins en moins – en Europe et ce qui ne se fait plus – en tous cas plus assez – aux Etats-Unis
agir, c’est imposer
il n’y a pas d’autre moyen pour contenir les inégalités que la progressivité de l’impôt – que ce soit sur le revenu, sur la fortune ou sur les successions
NB : c’est une extraordinaire escroquerie et un véritable tour de passe-passe que d’avoir réussi à rendre ces contributions impopulaires chez les pauvres, eux qui n’en paient aucune des trois
… il faudra une révolution culturelle pour revenir sur cette impopularité …
le problème, c’est que dans le monde de concurrence et de mobilité dans lequel nous vivons, il est difficile pour un pays comme la France d’augmenter les contributions des riches : ils s’en vont …
c’est la raison pour laquelle j’ai approuvé le remplacement de l’ISF (basé sur des actifs mobiles) par l’IFI (basé sur des actifs immobiles) : imposer les riches en France, c’est enrichir la Belgique
l’emploi stable, spécifiquement en France, reste la priorité pour accroître le pouvoir d’achat et réduire les inégalités
et pourtant, globalement dans le monde, pour combattre les inégalités, il faut bien imposer les riches
les signes qu’il est possible de faire quelque chose ?
la problématique est enfin comprise au sein des institutions internationales – ONU, OCDE, … – qui tirent depuis plusieurs années la sonnette d’alarme et appellent les pays à corriger leurs politiques
la campagne des primaires démocrates aux États-Unis démarre sur les chapeaux de roue : propositions d’impôts sur le capital et les successions, d’exit tax* à 40 % … ; c’est intéressant, parce que ces proposions sont populaires, en particulier auprès des jeunes
a fortiori il doit être possible de le faire en Europe : dans cet immense marché, il est plus facile de protéger l’emploi et plus difficile pour les riches de s’en expatrier … surtout si c’est sans retour …
l’Europe peut être forte et elle peut sauver son modèle … faites campagne !
Daniel Gendrin
* l’exit tax est l’imposition des capitaux qui s’exilent
Super intéressant ! Réconcilier la lutte contre les inégalités et la mondialisation devient donc un problème de diplomatie et de collaboration entre états. Il me semble qu’on commence à en entendre parler (typiquement aux européennes), sous le vocable « protectionnisme social ».
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