des amies religieuses viennent de m’offrir le discours qu’Alexandre Soljenitsyne a prononcé devant les étudiants d’Harvard en 1978 et qui a été si mal reçu …
l’incident avait, à l’époque fait du bruit : Soljenitsyne, après 30 années d’enfermement et de résistance en URSS, alors réfugié aux État-Unis, est invité à parler devant les étudiants de l’université de Harvard
on s’attend à un panégyrique de l’Occident, mais pas du tout : c’est une volée de bois vert contre la civilisation qu’il a trouvée à l’Ouest et qui, selon lui, ne peut servir de modèle alternatif au socialisme
on trouve ce discours sur internet sans difficulté ; il est court et facile à lire
l’auteur ne rappelle ici qu’incidemment sa condamnation du régime politique de l’URSS : son discours est centré sur notre monde
avec le recul – il parle avant internet et les réseaux sociaux, à l’aube de la révolution conservatrice à l’Ouest, au début de la prise de conscience de la finitude des ressources –, ce regard est passionnant tant les dérives qu’il dénonce ont gagné en amplitude
tout y passe : l’arrogance, le déclin du courage, la consommation, le juridique contre la morale, la liberté contre le bien commun, la presse et les idées soumises à la mode …
au passage, il rappelle que notre développement s’est appuyé, en partie, sur l’esclavage, la colonisation et l’éradication de populations autochtones …
il faut lire ce discours : il dit cela avec un autre talent …
d’ailleurs, l’Occident est-il un modèle pertinent ? on voit, avec le retour en Russie de la dictature et de la guerre, le résultat de la manière dont le « modèle » y a été appliqué dans les années 90 …
Soljenitsyne fait remonter la dérive du monde occidental à la Renaissance et aux Lumières ; la source en est, selon lui, dans ce qu’il appelle « l’anthropocentrisme » : l’idée de l’homme comme centre de ce qui existe » et il voit l’avenir dans le réveil de « notre nature spirituelle »
on peut contester à Soljenitsyne son mysticisme, on ne peut contester l’intérêt de ses réflexions pour le monde d’aujourd’hui
cela dit, la critique est sévère ; j’y reviens dans le papier suivant : … Soljenitsyne 2 …
Daniel Gendrin